Johann Pétursson, dit « Le géant », et Jon Sigurdsson, dit « Le président », sont sur un bateau…
Le premier passe pour avoir des sympathies socialistes.
Le second, fasciste notoire, a des problèmes avec l’alcool.
Jonas Bjarni Jonasson et Jon Karl Esrason sont sur un bateau…
Le premier vient de tuer sa femme.
Le second, surnommé « Le Démon », compte plus de trente inculpations pour trafics divers sur son casier judiciaire.
Gudmundur Berndsen et Oli Johnsen, dit « Le soutier », sont sur un bateau…
Le premier a décidé qu’il s’agissait là de sa dernière traversée.
Le second éprouve une étrange fascination pour les démons et autres divinités marines.
Arsaell Egilsson, Runar et Asi sont sur un bateau…
Le premier laisse à terre une femme enceinte, un petit garçon et d’importantes dettes de jeu.
Pour les deux autres, rien à signaler…
Identité du bateau : le Per Se, qui quitte le port Islandais de Grundartangi afin d’aller charger une cargaison de bauxite.
Destination : le Surinam.
Météo : variable, de clémente à apocalyptique.
Circonstances : des rumeurs de licenciement menaçant l’équipage, qui échauffent les esprits et exaltent les velléités de mutinerie…
… des secrets et des mensonges qui faussent les rapports entre les protagonistes, créant de multiples malentendus.
Passée une première partie dont le but est de planter le décor, et d'exposer les interactions reliant ses personnages (allant jusqu'à abuser de certaines coïncidences, mais il s'agit là du seul -petit- reproche que j'ai à lui faire), l'auteur dépeint la progression des effets dévastateurs de ce huis-clos entre hommes au caractère bien trempé sur leur conscience et leur raison.
Et... futurs lecteurs de ce "Noir océan", j'espère que vous n'êtes pas sujet au mal de mer, car c'est sur une houle au rythme infini et nauséeux que vous embarque Stefan Mani !
L'équipage du Per Se doit à la fois subir les tensions régissant les rapports entre ses membres, et supporter le déchaînement des éléments naturels qui semblent se mettre au diapason de la folie des hommes (à moins que ce ne soit l'inverse...). Une situation qui met à rude épreuve leur résistance physique et mentale, et laisse libre cours à l'expression de leurs peurs et de leurs rages rentrées.
J'ai craint dans un premier temps que le récit ne s'enlise dans une inutile complexité liée à la multitude de personnages et de leurs histoires personnelles, mais l'auteur maîtrise parfaitement son intrigue, et c'est ce qui fait en partie la force de ce roman. Sa capacité aussi, à analyser avec justesse les émotions de ses héros (les montées de violence auxquelles succèdent l'abattement, l'instinct de survie qui prend le dessus sur le découragement...), et sa manière, parfois lancinante, d'évoquer la puissance délétère et aliènante de l'océan immergent complètement le lecteur dans ce récit dont on sortirait presque avec un relent d'embruns dans les narines, et une peur bleue au ventre...
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