1974 fut pour la Grande-Bretagne une année plutôt morose, témoin (entre autres) de la multiplication des conflits sociaux, de la poussée des nationalismes écossais et gallois... une année au cours de laquelle l'I.R.A réalisa l'une de ses attaques les plus dévastatrices, occasionnant en novembre la mort de 21 personnes dans un pub de Birmingham.
Quant à qualifier de morose le roman éponyme de David Peace... ce serait un euphémisme !
Cet ouvrage est le premier d'une série de quatre communément appelée "la tétralogie du Yorkshire", mettant en scène sur une période de presque 10 ans les agissements, dans cet ancien comté du Nord-Est de l'Angleterre, de personnages bien peu recommandables...
Tout commence plus précisément en décembre 1974, avec le meurtre de la petite Clare Kemplay, 9 ans, kidnappée sur le chemin de l'école, puis atrocement torturée et violée.
Edward Dunford, jeune journaliste employé au Yorkshire Post, couvre cette sordide affaire, ou du moins tente de le faire, car il oeuvre dans l'ombre du "grand" Jack Whitehead, reporter patenté du journal, personnage d'un cynisme et d'une méchanceté sans bornes.
En menant son enquête sur l'assassinat de Clare, qui présente des similitudes avec ceux de deux autres fillettes qui eurent lieu quelques années auparavant, Edward va mettre les pieds dans un véritable nid de guêpes...
De corruption policière en magouilles de haut vol, de chantage en pulsions meurtrières, tout semble lié et impliquer ceux qui, par le pouvoir et l'argent, font la pluie et le beau temps sur la Cité de Leeds, qui ont la mainmise sur l'économie et les autorités locales...
Bref, c'est un monde dénué de tout espoir que dépeint David Peace, un univers glauque, sans trace d'humanité. En suivant Edward dans la découverte de cet enfer, le lecteur a le sentiment de le suivre dans un cauchemar, en se demandant si le plus difficile à supporter est la description des diverses violences physiques dont "1974" est le théâtre, ou celle de l'apprentissage du jeune homme de la pourriture de ce monde.
Ce dernier n'inspire d'ailleurs pas spécialement la sympathie ; il a en effet tendance à faire preuve d'un égoïsme désinvolte assez glaçant. Ceci dit, il faut lui reconnaître une réelle persévérance dans sa recherche de la vérité et on ne peut s'empêcher de le prendre en pitié dans sa quête d'une justice qui devient au fil du récit de plus en plus utopique.
Le récit qui, vous l'aurez compris, est déjà difficile sur le fond, est de plus servi par une écriture lancinante, elliptique, parfois répétitive, qui vous met les nerfs à vif.
La tension et la violence croissantes, la noirceur extrême qui plombe ce roman font qu'à partir d'un certain moment, on n'a plus qu'une hâte : c'est que tout cela se termine...
Une lecture plutôt éprouvante, mais dont je ressors pourtant admirative, en raison de la force et de la justesse du style de l'auteur, ainsi que de sa capacité à nous immerger complètement dans son univers si sordide...
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