[Sur les routes - Le phénomène des New Travellers | Marcelo Frediani, Judith Okely (Préfacier)]
"[...] deux générations de New Travellers vivent actuellement sur la route : d'une part, les nomades issus des mouvements de la contre-culture et, d'autre part, les personnes qui, dans les années 1990, ont adopté cette pratique de vie, suite à une situation de précarisation. Il est vrai que, lorsqu'on se trouve dans une situation de vie précaire, l'adoption d'un style de vie alternatif représente la possibilité de donner un sens nouveau à sa vie, de devenir acteurs de sa destinée plutôt que spectateurs de sa déchéance." (p. 20-21)
En Angleterre, depuis les années 80 et à un rythme sans cesse accéléré, ils sont nombreux, ces urbains, jeunes pour la plupart, anciennement sédentaires (donc non appartenant aux Gens du voyage, avec lesquels les différences sont considérables et les rapports souvent tendus), qui choisissent d'aménager un camion, un bus (le plus prisé étant le fameux "double decker"), une hutte et d'errer d'un site de fortune à l'autre, au rythme scandé par la succession des festivals de rave et/ou des expulsions (la législation sur l'occupation des terrains, même privés, étant beaucoup plus sévère qu'en France), plutôt que de "squatter" en ville. Leur auto-représentation alternant la contre-culture, encore que moins politisée qu'à l'époque du mouvement hippie (avec cependant un plus ou moins grand engagement contestataire environnemental et anti-productiviste), et la simple tentative de survie à une condition de précarisation et d'exclusion par une socialisation (identitaire, communautaire et solidarisante) alternative, celle de la société sédentaire, en revanche, ne voit chez eux et ne les renvoie qu'à la marginalisation et à la déviance (toxicomanie, larcins, manque d'hygiène, promiscuité, assistanat par les allocations, etc.) qui se situent souvent à l'exact opposé de ce que peut prouver l'analyse ethnologique de terrain.
Cet ouvrage en donc une, analyse ethnologique de terrain, et honnête. Il s'agit probablement d'une thèse, attentive à la posture du chercheur en "milieu alternatif" et à la mise en place d'un cadre de référence théorique, surtout sur le thème du sentiment identitaire. Il tente d'établir un tableau de la vie quotidienne de ces New Travellers, y compris les problématiques de logement, de glanage de nourriture, d'aménagement des véhicules, de rapports sociaux, d'instruction et d'éducation des enfants. La vulgarisation d'un travail de ce type est toujours ardue et on en voit beaucoup plus facilement les défauts que les qualités. Parmi les premiers, le plus grand danger est de ne pas réussir à rendre le caractère "vivant", "humain", "culturel" surtout par peur d'excès d'engagement auprès de son "objet" ou de manque de rigueur scientifique. Pourtant, un usage plus abondant des histoires de vie, des citations du verbatim d'entretiens, même d'un certain descriptif "littéraire" des paysages et des modes de vie est désormais plus généralement accepté dans les thèses qu'autrefois (encore que... si l'on songe à Tristes tropiques... cela ne date pas d'hier).
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]