[Le grand Diabolik. T. 1, Le roi de la terreur : le remake ; Les années perdues dans le sang | Angela et Luciana Giussani]

Diabolik est vieux comme mes robes mais son collant le rajeunit, l’amincit, le sculpte. Le temps n’a pas d’emprise sur lui. Son amoralité est légendaire comme son charme méphitique irrésistible. Ses multiples visages en latex, son corps souple et musclé lui permettent de tromper son monde mais ses yeux sont reconnaissables. « Ils ont l’éclat de l’acier comme s’ils n’appartenaient pas à un être humain ». Apparu pour la première fois en novembre 1962 dans la péninsule italienne sous forme de fascicule « délicieusement érotique, violent et provocateur » [Patrick Gaumer, Dictionnaire mondial de la BD, Larousse, 2010], un remake du grand Diabolik arrive en France en 2009 aux éditions Clair de lune. Les quelques publications erratiques par ici ne rendent pas compte de la notoriété du personnage dans son pays d’origine. Est-ce que le lecteur francophone a perdu au change ? A la lecture du « roi de la terreur », premier opuscule campant le Rocambole transalpin, on peut rester partagé. La psychologie du démoniaque super méchant échappe à l’entendement. On ne saisit pas ses motivations et son machiavélisme laisse dubitatif tant les procédés semblent convenus. La rencontre avec Elisabeth, infirmière de son état, laisse rêveur. Diabolik se fait passer pour un riche antiquaire dans le seul but de s’approprier un coffret contenant des poignards. Pour se faire, il n’hésite pas à liquider à l’arme blanche tout ce qui dessert ses basses œuvres. Le commissaire Ginko, perspicace et courageux, honni du sinistre bandit, se révèle en bout de course inefficace à neutraliser le diable masqué. En revanche, la lecture apporte du plaisir car le dessin est agréable, efficace et les cadrages dynamiques, expressionnistes. La deuxième aventure du recueil intitulée Les années perdues dans le sang n’est guère convaincante. Même si le dessin est expressif, il frise trop l’outrance et l’histoire d’élève surdoué éduqué à la trique par un maître des arts martiaux sent le réchauffé. Diabolik est encore un béjaune. Il s’est enfui de l’île appartenant à King, chef des criminels du secteur, « quelque chose qui ressemble à un père » pour Diabolik que ce dernier n’hésitera pas à poignarder dans le dos : « Il m’aurait tué autrement. Je me rappelle que je n’ai éprouvé aucune douleur, aucun remords ». Le Fantômas transalpin ne maîtrise pas encore le secret des masques qui se décomposent au bout de quelques heures. Au Deccan, à Clerville, Diabolik a revêtu l’apparence d’un pseudo marchand d’art Walter Dorian. Or, le vrai Dorian a survécu au coup de poignard de Diabolik. Les hommes de main de King veulent se venger et Walter Dorian retrouver ses biens et son identité. Diabolik va raconter à sa chère Eva son amitié avec Ronin, tueur aguerri et son passage à l’école d’arts martiaux. Le flash back se raccorde à l’histoire en cours, les méchants règlent leurs comptes entre eux et le lecteur s’ennuie un peu. Le manichéisme et la caricature n’aident pas à s’insérer dans l’histoire et à évoluer de concert avec les personnages. Toutefois, le dynamisme de l’ensemble entraîne la lecture à son terme sans déplaisir mais sans enthousiasme. Peut mieux faire (et à sûrement fait mieux) !

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