Dans la pièce shakespearienne qui se joue à couteaux tirés, « Les ténèbres y sont plus sombres que la nuit ». Il y a sur une face, Harry Bosh, inspecteur en activité au LAPD de Los Angeles et sur l’avers, Terry McCaleb, retraité du FBI. Les deux hommes s’estiment. Transplanté du cœur, McCaleb a refait surface et passe son temps sur son bateau, le Following Sea ; il coule une vie paisible avec sa nouvelle femme et leurs deux enfants mais son ancienne vie de profiler lui manque. Son ex-collègue Jaye Winston vient le relancer à point nommé avec une affaire de meurtre rituel sur laquelle elle patine. McCaleb étudie le dossier toute la nuit. Une chouette en plastique sciemment placée en haut d’une armoire sur le lieu du crime, disposant d’une vue plongeante vers le corps du supplicié ainsi qu’une citation latine écrite sur le bâillon retiennent particulièrement l’attention de McCaleb. Il décide de rencontrer Harry Bosch qui connaît la victime, Edward Gunn, assassin notoire de prostituées. Dans le passé, la mère de Bosch a été assassinée sans que le coupable n’ait été appréhendé. Elle se prostituait. Parallèlement, Harry est cité à comparaître dans le box de l’accusation lors du procès retentissant d’un réalisateur de films de sexe et de violence, l’infatué et riche David Storey. Storey est accusé du meurtre par strangulation érotique d’une jeune femme de vingt-trois ans, Jody Krementz. Il est défendu par un redoutable avocat, le fielleux maître J. Reason Fowkkes, expert en roublardise et manipulation psychologique. La partie est loin d’être gagnée par Harry Bosch et consorts d’autant plus que McCaleb en vient à le soupçonner d’avoir exécuté Gunn selon un procédé macabre directement calqué sur l’œuvre peinte de Jérôme Van Aiken, autrement dit Hieronymus Bosch. Les similitudes entre le maître hollandais et l’inspecteur du LAPD sont plus que déconcertantes. McCaleb va être mis sur la touche. Deux enquêteurs du FBI vont prendre l’affaire en main avec la ferme intention de faire chuter Harry Bosch, l’ange rebelle. Existe-t-il des liens souterrains et pervers entre les affaires Gunn et Storey? Qui tire réellement les ficelles ? Où se nichent vraiment les tourments des hommes ?
L’Oiseau des ténèbres joue habilement sur plusieurs registres. Les peurs ataviques et les perversions hantent les hommes jusqu’au vertige. Michael Connelly a bâti son histoire sur un procès en cours. Harry Bosch apparaît en creux. Le lecteur prend conscience de l’histoire à rebours, à mesure que le procès avance. Les pièces à conviction s’accumulent et le crime apparaît dans son ampleur et sa démesure. Terry McCaleb dresse un profil psychologique de Bosch tout en découvrant l’œuvre du peintre hollandais. L’inspecteur n’interviendra que pour remettre McCaleb sur les rails. Bien que Bosch n’ait pas directement la main sur le déroulement des événements, qu’il soit davantage vu en négatif, comme sur une pellicule argentique, son charisme rend sa présence encore plus troublante. Peut-être cela tient-il au fait qu’il sache « ce que c’est d’être seul dans le noir ». Ce nouvel opus est captivant. Ses nuances et ses non-dits procurent un grand plaisir à la lecture avec un rien d’amertume en arrière-goût quand la dernière page est tournée.
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