15 novembre 1959 : les quatre membres de la famille Clutter, des fermiers du Kansas, sont assassinés, dans leur maison. Quelques dollars et un poste de radio sont volés : un mobile qui paraît bien futile pour un tel massacre. Truman Capote, fasciné par ce fait-divers, se rend sur les lieux, mène une enquête très minutieuse, et remonte le fil de l'histoire : il rencontre et questionne les amis de la famille, les témoins, les enquêteurs... ainsi que les deux tueurs, Perry Smith et Richard Hickock, quand ils sont arrêtés, et pendant leur incarcération. En 1965, Smith et Hicock sont exécutés, et Truman Capote publie
De sang-froid, sa relation de leur crime.
Truman Capote, avec ce roman extrêmement bien documenté, à la fois étude de mœurs, récit policier à suspens et méticuleux documentaire littéraire, inventa un nouveau genre littéraire : le roman de non-fiction. A force de détails, de témoignages, d'observations, Truman Capote a reconstitué ce qui s'est passé et ce qui a pu se passer. Véritable roman sociologique,
De sang-froid, nous plonge dans le Kansas des années 60 et dans le quotidien de la famille Clutter, une famille de fermiers plutôt aisée, mais simple et généreuse. En parallèle, on découvre le parcours et les personnalités de Perry Smith et Richard Hicock, deux marginaux, deux exclus du système, deux petits frappes qui, une fois réunis, deviendront de violents criminels... On est alors plongé au cœur des rumeurs, des colères, des terreurs et des suspicions qui enflamment le voisinage de la famille assassinée. On suit ensuite, en parallèle, la cavale des deux voyous à travers les Etats-Unis et jusqu'au Mexique et l'enquête difficile des autorités qui permettra leur arrestation six semaines après le drame. On découvre alors le déroulement des interrogatoires, puis du procès, la condamnation à mort, les nombreux recours des condamnés, jusqu'au dénouement : leur exécution par pendaison le 14 avril 1965.
La grande force de ce roman tient autant dans sa extrême fidélité à la véracité des faits rapportés que dans la façon dont Truman Capote les relate, sans jamais prendre parti, ni juger, dans une narration quasi journalistique. Il évite ainsi deux écueils, celui de l'explication psychologique des comportements d'une part, et d'autre part celui de la thèse sur la peine de mort. Ainsi, en restant impartialement à distance du récit, Truman Capote nous livre la matière nous permettant d'élaborer nos propres conclusions, d'extrapoler le pourquoi du comment afin de donner du sens. Car son écriture factuelle et descriptive, le pointillisme de son style, sa méticulosité et sa précision dans la relation du contexte et des faits dans leur intégrité brute, sans y mêler ni morale ni métaphysique, ne nous empêche pas d'entrer en sympathie avec les protagonistes de ce drame, tant les témoins que les victimes et mêmes les coupables : comme dans toutes les grandes œuvres cathartiques, on participe ici à la souffrance d'autrui, sans complaisance. Et c'est sans complaisance non plus que ce livre déploie quelque chose qui se situe entre fascination et effroi.
« Il était midi au coeur du désert de Mojave. Assis sur une valise de paille, Perry jouait de l'harmonica. Dick était debout au bord d'une grande route noire, la Route 66, les yeux fixés sur le vide immaculé comme si l'intensité de son regard pouvait forcer des automobilistes à se montrer. Il en passait très peu, et nul d'entre eux ne s'arrêtait pour les auto-stoppeurs... Ils attendaient un voyageur solitaire dans une voiture convenable et avec de l'argent dans son porte-billets : un étranger à voler, étrangler et abandonner dans le désert. »
le cri du lézard