Voilà un roman bien dérangeant, je n'avais rien lu de pareil auparavant...
Après une brève préface, le lecteur tombe sur la page de titre, puisqu'on a ici un roman dans le roman : Le Seigneur du Svastika d'Adolf Hitler. Dans un monde qui aurait pu être le nôtre, Hitler n'a donc pas pris le pouvoir en Allemagne avec les conséquences que l'on sait, mais a émigré aux Etats-Unis pour y devenir un auteur de SF reconnu. Et quel est le thème de ses romans? La survie de la pureté de la race humaine...
On fait donc connaissance avec Feric Jaggar, un "purhomme" qui refuse l'inéluctable agonie du pur génotype humain, menacé par les hordes de créatures mutantes : les hommes-perroquets, les hommes bleus... Son charisme et son fanatisme lui permettent de rapidement rallier d'autres "purhommes" à sa cause, en vue de dominer le monde pour "l'épurer".
Les processus de prise de pouvoir font froid dans le dos : la mise en oeuvre d'une politique de communication pour faire la promotion du parti et permettre le développement de la propagande, des discours empreints de la folie du fanatisme destructeur ("ce dont nous avons besoin, c'est d'une nouvelle volonté de préserver la pureté raciale de Heldon! Ce qu'il nous faut maintenant, c'est un gouvernement animé de la volonté irrépressible de purger, par le fer et par le feu, Heldon du dernier Dom et du dernier gène contaminé!" etc.), la création du corps d'élite des SS, "soldats du Svastika, qui sera une véritable élite, sélectionnée pour son dévouement, sa pureté génétique, sa force physique et son intelligence", les exécutions massives, le renforcement des "lois sur la pureté raciale"...
Et que dire de l'idéologie à laquelle croient dur comme fer Feric et ses soldats : la légitimité de leur domination sur les autres peuples, la nécessité de l'eugénisme, la justification des camps de concentration... Les termes "pureté", "supériorité" et autres du même genre reviennent sans cesse.
Evidemment, Spinrad a écrit un roman pour faire réagir ses lecteurs, pour dénoncer le nazisme, pour démontrer comment toute une population a pu se laisser convaincre insidueusement d'accepter l'inacceptable. Mais c'est à nous de faire l'analyse de l'oeuvre pour en déduire la dénonciation, car le roman lui-même glorifie Feric Jaggar et ses actes. Cela crée donc un climat particulièrement dérangeant, qui m'a mise mal à l'aise du début à la fin de ma lecture.
Cette ambiguité a d'ailleurs valu à Rêve de fer d'être longtemps interdit en Allemagne et dans certains autres pays, où il était vu comme une apologie du nazisme.
L'édition chez Folio SF comporte donc une nouveauté, une fausse postface : un psy-quelque-chose (-chiatre? -analyste?) de ce monde imaginaire analyse le roman de ce Adolf Hitler d'une réalité alternative. On y trouve tous les lieux communs attendus : le psy dénonce l'homosexualité refoulée du "patient", son aberration mentale, son fétichisme obsessionnel de nature morbide... Pour arriver à la conclusion qu'un type atteint d'une telle psychose "ne pourrait pas prendre le pouvoir ailleurs que dans les fantasmagories d'un roman de science-fiction pathologique".
Cette postface lève donc le quiproquo qui aurait pu subsister quant aux intentions de Spinrad en écrivant ce roman. Reste que, en raison de mon malaise, je suis restée en retrait tout au long de ma lecture. Ce roman ne semble pas représentatif du tout de l'oeuvrede Spinrad... Alors je lirai peut-être un jour d'autres de ses oeuvres.
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]
Afficher toutes les notes de lectures pour ce livre