Le Jin Ming Pei, roman chinois anonyme du XVIe siècle, a su inspirer le « grand » Magnus, dessinateur virtuose du XXe siècle. Les 110 pilules aujourd’hui rééditées par les éditions Delcourt, reprennent du galon et du lustr(é). Hsi-Meng Sen est un riche marchand de drogues dans la fleur de l’âge (40 ans). Il festoie sans cesse avec ses amis libertins et néglige son harem. Il fait la rencontre opportune d’un moine médecin et lui demande « un élixir pour augmenter la force virile ». Il reçoit 110 pilules en tout et pour toutes avec la posologie suivante : « Jamais plus d’une et une à chaque lune ! ». Cent neuf, le compte à rebours commence. Rapidement, Hsi-Men dépasse les bornes et fait une consommation excessive de la chère et des chairs. Sa jouissance semble intarissable. « Il se rue sur le pavillon de Tige de Jade encore endormie… « Ah ! Quels yeux terribles vous avez ! » Il se jette ensuite sur Œil de Neige puis sur Tournesol, Lotus d’Or. Les postures défilent : le colimaçon, le tire-bouchon, la selle de Maure, la girandole. Les sexes sont tendus, les vulves enflées, les sécrétions explosives, suintantes, abondantes. Puis, pernicieusement, viennent la tromperie, la colère, la maladie, la déchéance et la mort. L’histoire n’aurait pu être que paillarde, prétexte à la gaudriole. Elle vire à la parabole. L’évanescence du plaisir, la vacuité des entreprises humaines prennent alors un relief saisissant dans les dernières planches à travers les superbes aplats noirs du maître dessinateur. Arrivé à la fin de l’album, le lecteur peut tout reprendre au début et savourer alors à sa juste démesure la petitesse et la grandeur des hommes.
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