Sept personnes qui ne se connaissent pas, cinq hommes et deux femmes, tous grands chasseurs, sont venus des quatre coins de l'Europe pour assouvir leur passion. Ils se retrouvent dans une maison de chasse très isolée, en pleine forêt, comme hors du monde. La neige tombe sans discontinuer, le froid devient mordant, la forêt est sombre et glacée, inquiétante... Ils se sentent vite comme des prisonniers, cernés par les arbres, piégés par la neige. Alors montent les angoisses des uns, la paranoïa des autres. Au fil des pages, René Derain acquiert la conviction qu'il est condamné, qu'il va mourir. Pas de froid, ni de fatigue, ni de faim, ni de gangrène : il sera assassiné. Il le sait. Il le sent.
Au début, ce groupe de viandards qui parle fort, lève haut le coude et part gaiment en chasse n'est pas très sympathique. Et les battues, les divagations dans la neige ou les soirées près du feu pendant la tempête n'inspirent guère a priori. Tout cela peut donc paraître, dans un premier temps, long, lourd et ennuyeux. Mais quand le groupe de chasseurs se retrouve piégé par la neige, le récit vire au huis-clos et devient plus angoissant, et plus intéressant : la suspicion s'installe, la tension monte crescendo, et l'atmosphère devient pesante, oppressante...
En maniant une écriture simple, sans fioriture, des phrases courtes et un style direct, Hugo Boris parvient à raconter une histoire de plus en plus complexe sans en avoir l'air. Un peu entre Stephen King et Agatha Christie, il s'amuse avec les règles du polar et du thriller. Il imagine ainsi une drôle de chose, un dernier cahier non massicoté qu'il faut découper soi-même pour connaître le fin mot de l'histoire. Et cette idée du livret à découper soi-même, au-delà du procédé qui pourrait paraître un effet un peu "gadget", est d'autant plus amusante et intéressante qu'elle est complètement intégrée au récit, elle a du sens dans le récit. Et ce récit est ainsi, aussi, un hommage rendu au pouvoir de l'imagination et de la littérature... Mais je ne peux en dire plus de peur d'en révéler trop !
Un roman ludique donc, à mi-chemin entre le roman à suspense et le roman fantastique, idéal pour passer le temps lors d'une journée neigeuse comme nous en connaissons actuellement ! Prévoir un bon feu de cheminée, un plaid moelleux, une tassé de thé (ou un verre de whisky) et, ainsi armé et pelotonné bien au chaud, laissez vous surprendre par cet étrange roman !
« Est-ce l'alcool en carafon, le cuir brun, le mobilier vieux chêne, le feu qui crépite dans la cheminée ? Ce climat anglais où l'on s'assassine en grignotant des scones et en buvant du thé ? Il lui semble que chaque chose est bien à sa place, que chaque personne autour de cette table est un peu trop racée pour être honnête. S'appelle-t-on Ethel Brakefield dans la vie ? Ou Ernst von Sydow ? Ou même Lucas Cranach ? »
le cri du lézard