Difficile d'écrire , de commenter, un tel livre. L'on connait Patrick Besson pour ses prises de position "non politiquement correctes" , sa défense des Serbes entre autre, lors des guerres inter-ethniques de l'ex Yougoslavie. Son dernier livre ne sera pas porté à son crédit pas les bien pensants de tous bords qui sévissent dans 'l'humanitairement correct". Besson, à l'opposé de l'autre, le traître, jette sur l'Afrique un regard que nulle idéologie ne vient obstruer. Car le "héros" de ce livre c'est avant tout Ce continent mal aimé même si une foule de protagonistes grenouillent dans son antre.
L'axe du roman (roman si près d'un documentaire....) se situe dans la mémoire du génocide rwandais ; une ancienne barbouze de la DGSE, un cadre de Total, un rescapé Tutsi, un prêtre génocidaire Hutu, un ancien gauchiste reconverti dans la flagornerie et l'affairisme, une russe esseulée,une japonaise nympho, et même le président de la République du congo Denis Sassou N'Guesso, tous vont se retrouver sur la scène d'un théatre qui a pour nom Brazzaville et dont le metteur en scène s'appelle Patrick Besson. A ce propos je ne saurai trop conseiller aux futurs lecteurs de prévoir maints marque-pages afin de ne pas se perdre dans les multiples rebondissements et les retours "en arrière" nécéssaires à la construction de l'intrigue...
Il y a ,donc, l'intrigue qui mèle habilement politique , espionnage ,et affairisme très "françafrique", mais aussi, et c'est ce qui m'a le plus intérréssé, une description au scalpel de l'Afrique d'aujourd'hui. Besson ne convoque pas les grands sentiments et ne s'embarrasse pas de litotes pour nous donner à voir une Afrique angluée dans le mortifère. Sa description de Brazzaville et de Kinshasha n'aurait aucune chance de figurer dans le guide Michelin. Bidonvilles, misère,existence passée à subvenir aux besoins élémentaires,trottoirs défoncés, coupures d'éléctricité, quête d'un visa pour la France....chiens errants,drogue...
Et paradoxalemment, et Dieu sait si Besson est un spécialiste du paradoxe, cette vision d'une Afrique à vau l'eau décrite en des termes crus et objectifs , dénuée de tout jugement de valeur, sans "moraline", nous la rend terriblement proche, si proche que c'est celle que nous voyons aux actualités télévisées résumée à un naufrage au large de Gibraltar ou à une manifestation de sans-papiers. Cette Afrique "si mal partie" comme disait René Dumont est peuplée pourtant d'hommes et de femmes qui ne se réduisent pas à des entités pré-définies : Tessy, l'étudiante en philo violée treize fois par les "Cobra" de N'Guesso,Patrice "Pouchkine" métis de russe et de congolais peintre de génie, même Rwabango le prêtre Hutu assassin d'enfants , tous ont une histoire personelle qui ne se confond pas avec la Vulgate mondialisée de "l'Histoire africaine".
S'il est un enseignement que Patrick Besson nous martèle dans ce livre (comme dans d'autres...) c'est que rien n'est simple, simpliste même... l'Histoire n'a pas de fin, ni de dessein...Tout procède de longs cheminements , de rapports de forces amplifiès par le temps... pour aboutir à ce qu'écrivait Shakespeare (ou à peu près car ma mémoire est faillible!!!) : une histoire de fou racontée par un aveugle.
"L'Afrique noire est grise. Kin (Kinshasha) n'est pas une ville, c'est un cancer. Qui progresse. Prolifère.La ville en éperon telle une commanderie. Le ciel est blanc comme un linge :seule chose propre dans le paysage. Marchés populeux aux mille couleurs qui ne sont pas mille.Viandes fendues à la hache d'où décollent des mouches repues. "
L'équivalent de "Mais le fleuve tuera l'homme blanc" c'est, dans un autre genre, "Safari noir" de Paul Théroux.
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