1964 : Jun Nakayama, d'origine japonaise, est un vieil homme modeste et discret, qui vit dans une zone pavillonnaire à l'ouest d'Hollywood, et dont les voisins sont loin de soupçonner le passé de star du cinéma muet. En effet, cela fait 40 ans que Jun a tourné son dernier film, et la question qui habite ce roman est de savoir pourquoi ? Pourquoi Jun a-t-il renoncé à une carrière glorieuse pour vivre le reste de sa vie dans l'anonymat ? L'arrêt de sa carrière, en 1922, est-elle due à la lassitude du public, à la montée du racisme, à la fin du cinéma muet ? Ou est-elle liée au meurtre jamais élucidé du grand réalisateur Ashley Benett Tyler ?
L'un des plaisirs offert par ce roman réside dans le dévoilement progressif de la personnalité du personnage principal, Jun Nakayama. Sous son apparence de vieux monsieur sans histoire et courtois, on découvre petit à petit un homme complexe à l'histoire personnelle riche et mouvementée. Par bribes, Jun se raconte (son arrivée aux Etats-Unis, ses débuts d'acteur, son ascension fulgurante, les femmes de sa vie, les fêtes hollywoodiennes, l'arrêt brutal de sa carrière), la narration faisant d'incessants allers-retours entre présent (1964) et passé (années 1910-1920). Et finalement, on découvre un homme assez orgueilleux (et pas toujours très sympathique), un peu veule, émotionnellement déficient, mais attachant malgré tout.
J'ai aussi apprécié le rythme lent de la narration et sa nostalgie latente, et toutes ces informations que l'on recueille tout au long de la lecture sur l'histoire du cinéma, du muet au parlant, les débuts d'Hollywood et du "star system", et le contexte historique du début des années 1920 (l'après Première Guerre mondiale, la question raciale avec la montée de la peur du "Péril jaune"...).
Si loin de vous aborde de nombreux thèmes : la célébrité et l'ambition, comment le succès peut pervertir, comment "le rêve hollywoodien" peut devenir cauchemar, comment un individu lambda peut participer d'un racisme "ordinaire"... C'est aussi une belle méditation sur le passage des ans et les occasions manquées. Et c'est surtout un bel hommage au cinéma muet, évoqué avec finesse et tendresse.
Bref, un moment de lecture tout à fait charmant.
le cri du lézard