Le 2e tome qui clôt le diptyque Garrigue ne tient pas toutes les promesses amorcées en 1re partie de récit. Bien sûr, l’histoire avance vers son dénouement mais le texte devient peut-être trop présent, trop verbeux à l’exemple du soliloque de Martial, jeune retraité de la gendarmerie : « le garant d’un ordre qu’il [le gendarme] se doit de faire respecter. Cet ordre est un cercle imparfait à l’intérieur duquel se construit la société. […] Ces limites individuelles ont été façonnées par l’éducation… pendant ces années où se construit notre personnalité. […] Elles sont modelées et remodelées par le regard qu’on porte sur le monde. Ses vices et ses vertus. Ses itinéraires bis et ses chemins tordus. Ces limites se situent quelque part, à portée de votre regard. […] Elles vous poussent à faire des choix. […] jusqu’où peut-on aller sans se trahir, sans se mentir, sans se renier ? […] Ces limites certifient que vous existez. » Martial prend des allures de justicier alors qu’il a profité auparavant des combines rémunératrices de ses potes. Ceux-ci dénichait un « pigeon » à plumer, l’invitait à une partie de chasse et lui faisait croire à un accident mortel. Pour éviter toute poursuite judiciaire, « l’impunité en échange de quelques dizaines de milliers de francs », le malheureux pigeonné devait débourser et disparaître dans la nature. Seulement, un jour, un « client refait » se retrouve par hasard en face de celui qu’il a cru tuer : « Un mort qui marche, ça a dû lui faire une drôle d’impression ». Ce dernier, Frantz, décide de faire taire définitivement toute récrimination potentielle. C’est cette limite que Martial refuse de franchir. Incapable d’exprimer ses sentiments pour Jeannine, de percevoir ceux de Sylvie à son égard, Martial s’est bâti une coquille creuse où résonne la solitude, à l’image de sa maison vide toujours en construction. S’appartenir et posséder sa vie est le message qu’envoie en sourdine la bande dessinée réussie de Corbeyran et Berlion.
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