Maxence van der Meersch, un auteur bien oubliè d'après Wikipédia (je suis allé y faire un tour pour voir...) ; et pourtant !
Quelle force torrentielle dans ce déluge de mots,d'adjectifs,d'adverbes, pour décrire ce que fut l'occupation du Nord par les troupes d'occupation allemandes pendant la 1ere guerre mondiale (d'ailleurs épisode historique peu connu et comme "oublié" de la mémoire collective, sauf par les Chti's je suppose...). Ah, c'est sûr, les adorateurs du modernisme en littérature feront la fine bouche, les thuriféraires de Angot,Delerm, Pancrazi et autres... ne s'en remettront pas. On n'écrit plus comme cela de nos jours Môssieur ! ben oui évidemment ! Van der Meersch écrit comme Zola,seules les idées changent , quoique...Car Van der Meersch est catholique , un catholiscisme à la Marc Sangnier, à la Lammenais, c'est à dire profondémment social même si sa défense dans "Invasion 14" des patrons des filatures peut nous paraitre un peu dépassée quand les noms de Mulliez ou Devawrin surgissent dans l'actualité...Et quand je pense avoir lu "L'élu" et "L'empreinte du dieu" à l'adolescence et n'avoir pas soupçonné, ou à peine, la profonde religiosité de l'auteur...

"Invasion 14" est donc un roman pluriel avec en toile de fond la guerre et l'occupation très dure de l'armée impériale ; le front était plus bas, dans la Somme, dans l'Aisne, et le Nord devait normalement être incorporé au Reich en cas de victoire allemande. L'auteur brasse les destins entrecroisés de multiples personnages de toute origine sociale. Mais plus qu'un récit évennementiel de la guerre, Van der Meersch en profite un peu (c'est de bonne guerre si je puis dire...), pour nous montrer (j'allais écrire "nous vendre" ce qui aurait été une injure à l'Homme Van der Meersch) la misère de l'homme sans Dieu. Pascal n'est pas loin.Nombre de ses protagonistes ayant atteint l'innommable (emprisonnement, déportation en Allemagne) trouvent dans la foi (ou sa redécouverte), l'espoir de vivre, de continuer à vivre...C'est bien une question de sens appliquée à l'existence qui taraude les personnages du livre.
Van der Meersch nous laisse de magnifiques portrait d'hommes et de femmes (je pense aux fileurs Decraemer, Heynedinck, aux ouvrières résistantes, à Alain Laubigier, à l'abbé Sennevilliers, er surtout à Barthélémy David mon préféré car le plus représentatif des contradictions humaines). L'auteur , tout humaniste chrétien persuadé de la liberté de l'homme qu'il fut, n'en est pas moins un observateur, un contempteur lucide de la nature humaine. Ses descriptions des horreurs perpétuées à la libérations du Nord seront un avant-goût de celles perpétuées en plus ravageuses à la fin de la 2e guerre.D'ailleurs nobostant son style ce livre écrit dans les années 30 est encore d'actualité ; en exemple ce petit extrait.
C'est la fin de la guerre, le traité de Versailles est signé.Les affaires reprennent.

"L'Allemagne payerait. On pouvait réclamer,ramasser,courir à la curée. Et de splendides usines , des bourgs féodaux tous neufs-qu'on raserait quinze ans plus tard au nom de la surpopulation,remplaçaient les antiques fabriques. An long du Grand Boulevard s'élévaient les châteaux des nouveaux riches. Demain Roubaix serait soudé à Lille. On courait piller à Calais les stocks américains, choisir, enlever des métiers, des sacs, des moteurs et des autos, du ciment et des poteries, des pierres, des bois de charpente et des métaux. On signait un bon et cela suffisait. Une espèce de foire d'empoigne et l'absolution générale de tous les péchés. TRAVAILLER, TRAVAILLER, PRODUIRE POUR REMPLACER CE QU'ON AVAIT DETRUIT , PRODUIRE POUR FORCER LE MONDE A CONSOMMER, A SE GAVER, A CREVER D'INDIGESTION DIX ANS APRES. " C'est pas mal vu , non, en 1930 ?

J'aimerai tant retranscrire d'autres passages de ce livre dont l'accuité est prémonitoire ! (...et quand je pense que je porte aux nues un écrivain aux antipodes de mes convictions religieuses ! ).

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