La visite dans La Maison Maupassant de Patrick Wald Lasowski, professeur de littérature française à l’université de Paris 8, est autant une introspection personnelle qu’un moyen de débusquer la ‘folle du logis’ chez le prolifique auteur normand. Le procédé peut agacer quand l’œuvre est mise systématiquement en parallèle à la vie du « taureau triste ». Guy de Maupassant (1850-1893) avec ses 300 contes et nouvelles, ses 6 romans, ses chroniques, sa correspondance, ses récits de voyage, etc. couchés fébrilement sur le papier en dix ans d’existence, dans une course-poursuite avec la syphilis qui le gangrène, se prête admirablement à l’analyse psychanalytique car ses écrits reflètent ses hantises dans un mouvement pendulaire incessant. Maupassant s’observe dans ses dédoublements de la personnalité, dans sa folie érosive, dans une solitude qui le vrille. Plus il approche du point de non retour, meilleure est son écriture, à l’exemple du Horla, chef-d’œuvre de maîtrise formelle et de mise en perspective littéraire de peurs inavouables. La collection L’un et l’autre dirigée par Jean-Bertrand Pontalis (écrivain et psychanalyste français né en 1924) aux éditions Gallimard semble idéale pour recevoir l’essai sur Maupassant chez qui, probablement, l’un est l’autre. La limite de l’essai de Patrick Wald Lasowski tient à la juxtaposition d’articles comme autant de chapitres, tous très intéressants à lire mais qui n’arrivent pas à creuser de façon satisfaisante le sujet fédérateur du livre, à savoir la maison, selon ses multiples acceptions, dans la vie de Maupassant. Pourtant, la lecture est du plus grand intérêt. On suit la décomposition d’un homme exceptionnel alors que grandit constamment son œuvre littéraire. Le lecteur est emporté dans un élan de vie qui le souffle à plusieurs reprises. La correspondance a été épluchée et les extraits cités sont édifiants. Des témoignages de proches dynamisent et crédibilisent le récit. Les ‘petits’ frères Goncourt ont la dent dure mais l’œil précis : « Cré matin, le bon mobilier de putain ! » s’exclame Edmond quand Maupassant lui fait visiter son nouvel appartement. Visiblement, le Normand a des goûts de bouge. Plus que d’une maison close, Maupassant est le tenancier de son œuvre, son seul refuge quand arrivent les longues soirées glacées de l’hiver avec la solitude en cortège : « Le cœur se glace. Le monde sombre. Maupassant s’enfonce dans l’épouvante » et son écriture rend alors merveilleusement l’oscillation entre la pesanteur et l’envolée. Les quatre-vingt-dix-neuf pages de l’essai se lisent dans la foulée avec un plaisir sans cesse renouvelé.
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