Julius Winsome est un de ces sauvages associaux qui pullulent dans la littérature américaine ; mais plus encore que les héros de Harrison ou de Mac Guane , celui-çi ajoute à des antécédents déjà lourds l'inconséquence de détester la chasse dans un pays ou posséder une arme et s'en servir est considéré comme une vertu. Julius vit retiré dans les fôrets du Maine profond, sa seule richesse est la collection de quatre mille livres que lui a léguée son père, ancien combattant de la 2e guerre mondiale . Fondamentalement contemplatif et non violent Julius passe ses journées à lire Shakespeare et les poètes anglais en compagnie de son seul ami, son chien Hobbes. A la belle saison des petits travaux de mécanique chez les gens du coin lui permettent de subsister sans trop de mal. La vie pourrait continuer "pépère peinard" pour Julius et Hobbes si le fait même qu'elle passe inaperçue la rendait par trop visible et accusatrice aux viandards du coin qui dès l'automne sillonnent les fôrets dans leur 4X4 ornés de bois de cerfs , défouraillant à tout va pour "se faire" cerfs,chevreuils, orignaux...
Un jour de novembre neigeux Julius retrouve son chien tué d'un coup de fusil ; manifestement c'est un chasseur qui a fait le coup. Commence alors une obsédante quête du coupable. Mais puisque la traque est longue et incertaine tous paieront pour le meurtre de Hobbes.Julius sort le vieil Enfield du grand-père et désormais il appliquera aux viandards ce qu'eux mêmes appliquent au gibier : la loi de la jungle ; struggle for life qui résume tellement une certaine idéologie américaine...
Gerard Donovan a écrit un livre âpre et désespéré. Son monde semble opposer durablement (le peu d'information "spatio-temporelles" participe à l'intemporalité du propos...) deux entités : les contemplatifs et les activistes, la culture et la nature, ceux qui se contentent d'observer et de penser "le monde" et ceux qui le modèlent et le transforment...Mais j'ai bien écrit "semble" , car Julius Winsome tout contemplatif qu'il est est infinniment plus au diapason du "monde" que les Tartarins du comté tout justes capable de crapahuter de leur 4X4 à leur hutte de tir pour y descendre bieres et gibier, souvent d'ailleurs plus bières que gibier...
L'on peut aussi apprécier ce bouquin au premier degré comme une histoire d'amour des livres et de la nature, une inconsolable perte de l'ami, fut-il un chien, et aussi l'irrépréssible désir de vengeance qui saisi parfois tout être doux,calme et bon devant l'injustice et la connerie humaine.
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