[Rahan : intégrale noir et blanc. Tome 2 | André Cheret ; Roger Lecureux]
En dépit du temps qui passe et des âges farouches qui perdurent, Rahan, le fils de Crao, a bien belle allure sous sa jaquette flottante. En effet, les éditions Soleil ont décidé de rééditer le chef-d’œuvre d’André Chéret et de Roger Lécureux paru initialement dans Pif gadget fin février 1969. Avec sa jaquette neuve, sa reliure soignée, ses cahiers cousus, sa tranchefile rouge, l’édition limitée qui commémore les 40 ans d’existence de l’homme préhistorique, frère de tous « ceux qui marchent debout », est une vraie réussite d’autant plus que l’encrage en noir et blanc respecte à merveille l’impression d’époque. Le tome 2 reprend, en 272 pages, treize récits complets parus entre juin 1970 et avril 1971. Le prolifique scénariste Roger Lécureux et le talentueux dessinateur André Chéret ne chômaient pas en ces temps reculés car un épisode de 20 pages tombait tous les mois au coin du Pif. Chaque histoire est prétexte à une découverte et à la réconciliation des clans. Difficile de choisir dans cette abondance qui ne génère jamais une baisse de la qualité ! Le dessin de Chéret est souvent éblouissant malgré des erreurs anatomiques manifestes, des perspectives hasardeuses, des cadrages invraisemblables. Les trognes des fourbes restent un régal et les dessins d’animaux sont stupéfiants. Il y a par exemple une palanquée d’images extraordinaires dans Le rivage interdit avec le combat en planche 4 ou la poursuite aquatique en planche 14. Peut-être Le peuple des arbres montre-t-il la virtuosité incomparable de Chéret à dessiner les animaux, en fuite lors d’un incendie de forêt ? Plus loin, Le territoire des ombres est une réussite totale avec une utilisation magnifique des clairs obscurs. Le langage d’époque est toutefois daté, un peu irritant à forte dose mais lénifiant en prise homéopathique : « Tu n’étoufferas pas Rahan sans souffrir, « Boak » !! Aaaah ! ». Généreux, Rahan n’est jamais bon à rien et si c’est un as du surin, il n’utilise son long coutelas d’ivoire qu’en toute dernière extrémité. Il préfère le dialogue à la castagne mais il sait rompre l’échine d’un « gora » à l’égal de Tarzan adepte du double Nelson. La caricature guette, le ridicule pointe mais le message fraternel est sans ambiguïté. Après 68, l’idéologie communiste à la sauce française était pétrie de bons sentiments mais cela ne fait pas de mal à relire les péripéties de temps anciens qui ne sont pas forcément révolus aujourd’hui.
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