C'est le dernier livre du grand écrivain irlandais ; il sera publié quelques temps avant sa disparition.
Lorsque l'on évoque l'Irlande notre vision est toujours "polluée" par quelques "inconsciences" dissimulées dans notre cerveau et qui ressurgissent comme un réflexe pavlovien dès l'évocation de la "Verte Erein". Au choix : le feu de tourbe dans la cheminée alors que la tempête fait rage, les pubs conviviaux où les irlandais ressemblent tous à John Wayne et les irlandaises à Maureen O' Hara,la famine consécutive à la maladie de la pomme de terre,les guerres civiles, l'IRA,le vieux paysan avec son âne sur fond de Connemara,"Les cendres d'Angela de Frank Mc Court.... j'en passe ; et mes propres "inconsciences" n'ont rien à envier à tous ces clichés...
Et voilà que John Mac Gahern, écrivain irlandais s'il en fut, nous offre un m erveilleux livre de souvenirs où l'Irlande n'est pas considérée comme cette exception au grand banquet des nations. Car même si vous retrouverez dans "Mémoire" le feux de tourbe, les pubs,les prêtres atrabilaires et la campagne semée de chemins creux,c'est à l'Universel que vise Mac Gahern.
Ce livre de souvenirs est d'abord un formidable élan d'amour pour sa mère; et quoi de plus universel que l'amour d'une mère ? Les deux tiers du livre concernent son enfance dans les comtés de Leitrim et de Roscommon,entre sa mère aimée, et aimante, ses nombreuses soeurs, et un père qui est une caricature d'Irlandais violent et fort en gueule ; il est brigadier à la "Garda" et a combattu pour l'IRA au moment de la guerre civile...
C'est cette enfance d'un petit garçon irlandais avant la guerre (la seconde guerre mondiale...) qui ne doit pas être très différente de l'enfance d'autres petits garçons européens àla même époque ...
Le grand choc fut la mort de sa mère à l'age de dix ans. Sa maladie,ses derniers jours, sont relatés avec une extraordinaire pudeur. Et la vie continuera avec un père de plus en plus violent, égotiste,manipulateur...Cela marquera à jamais le gamin.
S'il est vrai que les romanciers prennent leur inspiration dans leur existence vécue, alors John Mac Gahern n'a pas failli au dogme. Beaucoup de ses romans sont un décalque de situations familiales (La caserne. Entre toutes les femmes...).Le catholicisme omniprésent avec ses codes,ses obligations,ses interdictions,modèlera aussi durablement le futur écrivain ; son roman " L'obscur" fut interdit en 1965 pour...pornographie ! et l'Irlande de cette époque était autant une démocratie qu"une théocratie.
Les dernières lignes du livre sont pour sa mère et elles donnent la mesure de l'amour de John pour sa mère et le manque qu'il dut porter toute sa vie.
"Je voudrais qu'aucune ombre ne puisse obscurcir sa joie et diminuer sa profonde confiance en Dieu. Elle n'aurait à faire face à aucun reproche fallacieux. Tandis que nous reviendrions sur nos pas, je cueillerais pour elle l'orchidée sauvage et l'anémone des bois. " ET, c'est à noter, John Mac Gahern n'active jamais dans son livre la machine à ressentiments envers l'Eglise catholique, et pourtant , de sa jeunesse à l'age adulte, elle ne lui fit pas de cadeaux.
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