Avec plus de deux cents anecdotes pour mémoire, le lecteur s’engage dans un cimetière virtuel où ressuscitent sous la plume sèche de Stéphane Audeguy des célébrités et des inconnus, à l’instant de leur mort, juste après ou pendant les préparatifs. Le bal des trépassés débute avec la chienne Laïka, satellisée par les Soviétiques, morte probablement asphyxiée dans sa capsule spatiale et voyageant encore six mois « avant que son véhicule rentre dans l’atmosphère et y brûle. » Sur un ton presque badin, distancié, l’auteur mène ou malmène le lecteur à mesure que le panthéon se lézarde et s’écroule. La mort de Dalida côtoie celle de Sigmund Freud. La chanteuse avait prévenu l’homme qu’elle aimait de ses intentions de suicide. Il reçut la lettre le vendredi. Elle se supprima le samedi. Freud souffre depuis seize ans d’un cancer à la mâchoire qui finit par lui trouer la joue. Une moustiquaire le protège des mouches. Sa plaie nauséabonde fait fuir son chien. Il lit La peau de chagrin de Balzac. Son médecin personnel exauce alors une ancienne promesse. Une première piqûre de morphine endort Sigmund Freud. La seconde injection l’expédie ad patres le 23 septembre 1939. La mort de Raspoutine est extraordinaire et occupe trois pages ; celle de Sitting Bull est tragi-comique. Victor Hugo trace encore une croix dans son carnet, un mois et demi avant de décéder, à l’âge de 83 ans : « […] Victor Hugo traçait dans son carnet une croix encerclée quand il faisait l’amour… ».
In memoriam n’est pas un empilement de chroniques mortuaires mais une juxtaposition d’histoires souvent lapidaires qui sont travaillées avec sobriété et concision par un connaisseur de la langue. Paradoxalement, le lecteur n’est pas sitôt abattu qu’il se relève, déjà tout ragaillardi.
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