Peut-être suis-je un peu trop sévère dans la notation de cet ouvrage : le fait est que je m'attendais à une lecture légère, ou frivole, ou au moins ironique dans sa gravité. Au lieu de cela, et après une introduction très intéressante et un chapitre Ier, "De la séduction", où l'objet optique et le sujet érotique sont encore bien présents, le discours s'élargit démesurément, des verres, à l'oeil, au regard, à la distorsion de la vision... et alternativement, selon un agencement très complexe et imprévisible, au hasard des très nombreuses et inattendues références littéraires et cinématographiques, par rhizomes (dirait Deleuze ?) dans des territoires, cependant, plus ou moins fertiles. En effet :
"Les lunettes sont donc liées à une perception du monde marquée par la division de la personnalité, le dédoublement, l'oscillation entre le rêve et la réalité. Au lieu de favoriser la connaissance, elles découvrent l'indétermination du moi comme l'aspect multiple, équivoque et contradictoire du monde. L'irruption du surnaturel est indissociable de l'introduction d'un élément renvoyant au thème du regard." (p. 80)
Ces caractéristiques de la prose libérée des carcans de l'argumentaire classique sont particulièrement évidentes dans les deux ch. suivants, "Voyeurs" et "Vertiges et grand huit" (réf. visuelle au symbole de l'infini qui ressemble tellement aux lunettes...) où toutes sortes de divagations erratiques planent entre distorsions optiques et perversions sexuelles. (N'espère pas te rincer l'oeil, pourtant, ô satyre d'un lecteur !)
Pour des raisons évidentes et pourtant étranges, cette lecture m'a été beaucoup plus claire et agréable dès lors que je l'ai accompagnée de l'écoute des symphonies d'orgue de Louis Vierne, et après m'être précipité sur le film de Hitchcock "Fenêtre sur cour". Pourtant, il faut bien s'accrocher pour ne pas en être écorché...
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