Depuis quelques mois fleurissent sur quelques blogs, ici ou là, les billets à la gloire de John Fante.
De quoi nous aiguillonner pour ressortir de la poussière des étagères un ou deux volumes (il y en a 12 dans notre bibliothèque !) des oeuvres de cet italo-américain connu pour être le père spirituel de Charles Bukowski (oui, on l'a aussi ressorti celui-là ! et on en reparlera).
Sympathique surprise que de relire cet auteur découvert il y a maintenant près de ... 20 ans !
La poussière n'était finalement que sur la couverture et la prose est toujours aussi vive (un de ses romans les plus connus s'intitule ...
Demande à la poussière !).
Il y a grosso modo deux grandes périodes dans l'oeuvre de Fante.
Une série de bouquins sur son enfance dans le Colorado, celle d'un fils d'émigré italien.
Une autre série sur sa vie d'adulte à Los Angeles, celle d'un écrivain maudit à la recherche perpétuelle de l'inspiration. C'est bien sûr cette seconde partie qui se rapproche le plus de l'oeuvre de Bukowski.
Mais avouons tout de suite qu'on a un penchant pour sa famille italienne de Denver.
Comme dans Le vin de la jeunesse, John Fante n'est jamais aussi bon que lorsqu'il décrit sa famille plus ou moins imaginaire, plus ou moins autobiographique.
Son éducation chrétienne de mauvais garçon chez les bonnes soeurs.
[...] On doit étudier longtemps avant de devenir nonne pour de bon. Alors on vous coupe les cheveux, vous portez des robes noires et vous ne pouvez plus ni vous marier ni vous marrer. Votre mari s'appelle Jésus. En tout cas, c'est ce que m'a dit Soeur Delphine.
Son père, poseur de briques, cloué à la maison l'hiver lorsque la neige arrête les chantiers. Porté sur la bouteille plus que sur la religion.
[...] « Pourquoi ne nous accompagnes-tu pas à la messe ? » elle lui demandait souvent.
« Pourquoi donc ? »
« Pour adorer Dieu. Pour donner le bon exemple à tes enfants. »
« Dieu voit ma famille dans l'église. Ça suffit. Il sait que je vous y envoie. »
« Ce serait peut-être mieux si Dieu t'y voyait aussi ? »
« Dieu est partout, alors pourquoi devrais-je aller le voir dans une église ? »
Sa mère résignée dans sa cuisine.
[...] Et puis j'aurais eu l'air de quoi si Soeur Agnès était venue chez nous ? Notre maison ne paie pas de mine. La Soeur nous aurait pris pour des pauvres dès le début du repas. Ma mère aurait fait des macaroni. La Soeur aurait trouvé ça complètement loufoque. En plus, nous n'avons pas de nappe. Ma mère étale des journaux sur la table. Elle place les bandes dessinées sous l'assiette de mon frère, et les résultats des matches sous la mienne.
La difficile intégration de ces immigrés dans le creuset de l'Amérique.
[...] Ma grand-mère m'a appris à parler sa langue maternelle. À sept ans, je la connais plutôt bien, et avec elle je parle toujours italien. Mais quand je suis avec des copains et que j'ai douze ou treize ans, je fais semblant de ne pas comprendre ce qu'elle me dit, une grimace crispe mon visage; je ne veux surtout pas que mes copains se doutent que je parle une autre langue que l'anglais.
John Fante excelle dans l'art de la nouvelle et ses quelques romans (comme celui-ci) sont façonnés de courts chapitres qui sont comme autant d'images rapides, sèches, directes, comme autant de tranches de vie de ces italiens égarés au pied des montagnes enneigées d'Amérique.
[...] En plus, nous n'avons pas de nappe. Ma mère étale des journaux sur la table. Elle place les bandes dessinées sous l'assiette de mon frère, et les résultats des matches sous la mienne.
C'est ce sens inné de la chute, dans un paragraphe, un chapitre, une nouvelle, qui fait que l'écriture de John Fante va droit à l'essentiel, à ce qu'il y a de plus humain.
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