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[L'homme dans le paysage : entretien | Alain Corbin, Jea...]
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Franz



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Posté: Dim 30 Déc 2007 20:35
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[L'homme dans le paysage : entretien | Alain Corbin, Jean Lebrun]

« L’historien du sensible » Alain Corbin s’entretient avec Jean Lebrun à propos de l’esthétique du paysage depuis la Renaissance jusqu’à nos jours. On peut s’étonner de la clarté du discours et de l’intelligence du propos quant on connaît l’indigence jargonnante ou la vulgarisation exsangue de certains écrits universitaires. Ici, chaque réflexion pose des jalons quant à l’appréciation du paysage par la géographie, l’histoire, l’esthétique, la philosophie. Le lecteur progresse sans fatigue et s’émerveille des éclaircissements et des enrichissements apportés continûment. La première partie de l’entretien intitulée « Comment l’espace devient paysage » montre que l’environnement se transforme en paysage quand l’individu s’en détache, instaure une distance et se métamorphose en spectateur. La polysensorialité, la cénesthésie, la vitesse de déplacement modifient la perception du paysage. Tous les sens sont éveillés : « Le corps est devenu une centrale d’écoute de sensations. » Le paysage sonore est évoqué. On comprend sa portée, insaisissable dans la durée mais intense dans l’instant et de quelle manière il est lié à l’affectif et au pathos. Le paysage olfactif fait aussi l’objet d’étude. Le toucher (par les pieds et le rythme de la marche) permet d’élaborer une représentation du paysage. Les multiples lectures possibles et entrelacées font qu’il y a autant de paysages que d’individus. Le second volet de l’entretien, « Le paysage sous influence », insiste sur l’appréciation du paysage à travers le sentiment religieux, les convictions scientifiques ou les notions d’aménagement. Les codes esthétiques du beau, du pittoresque et du sublime y sont étudiés. La laideur ne fait plus l’unanimité et des non-lieux finissent par intégrer la sphère esthétique (gare, station-service, hypermarché…). Enfin, les lieux imaginaires (ceux de Virgile, Dante, Jules Verne…) se plaquent sur les nouveaux paysages découverts et en modifient la perception. Une troisième partie « Pratiques d’espace » étudie l’appréciation du paysage selon le mode et la vitesse du déplacement. Du XVIe siècle au XVIIIe siècle, le voyage « classique » s’ordonne autour des sites et des villes riches en monuments antiques. Ensuite se codifie le « voyage sentimental » qui multiplie les impressions et fragmente l’espace. Le « voyage pittoresque » organise l’espace selon la ligne d’horizon, le plan et le point de vue. Au XIXe siècle, le « voyage romantique » est d’abord un voyage rêvé. Il s’agit de vibrer au contact des paysages et des monuments avec la conscience aiguë du nevermore, le dépérissement des sites et de soi. Le touriste aujourd’hui cumule ces quatre types de voyages. La marche à pied, par la lenteur, la méditation, la proximité avec la nature, la « cosmisation » cherchée auparavant par les romantiques ouvre un autre regard sur le paysage. Les déplacements en bicyclette, en bateau, en train sont étudiés succinctement mais de façon pertinente. On y apprend, par exemple, que : « L’usage de la bicyclette par les jeunes filles a d’abord été très critiqué pour des raisons sexuelles… parce que pédaler assises sur une selle provoquerait une sorte de masturbation » ; que le chemin de fer : « …a modifié la mécanique du regard ; il aurait fait acquérir aux voyageurs la vision latérale qui n’est pas innée. Une éducation du regard se serait opérée ainsi qu’une dédramatisation des vertiges liés à la vitesse ». Les deux dernières parties de l’entretien, « Paysage et météores », « L’homme et la préservation du paysage » sont sans doute moins consistantes que les précédentes rubriques bien que l’on y glane encore des informations et des précisions intéressantes. On peut cependant y déceler la seule phrase inepte du livre, hélas ! : « La sensibilité exacerbée à l’égard des arbres… empêche parfois d’exploiter judicieusement la forêt ». Est-ce que le mot « judicieux » fait partie du vocabulaire des technocrates de l’ONF ? Alain Corbin ne sait visiblement plus de quoi il parle à ce moment. C’est un peu dommage mais c’est aussi insuffisant pour diminuer la valeur indéniable de cet ouvrage, synthèse intelligente d’une pensée du sensible en mouvement.

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