[Millénium. T. 2, La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette | Stieg Larsson]
« C’est d’la balle ! » disent les djeunes quand ça fulgure au poing, ça fracasse, ça arrache. De la balle, il en est question dans le tome 2 de la trilogie Millénium, La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette. Dag Svensson, journaliste et son amie Mia Bergman, criminologue sont assassinées avec un Colt 45 Magnum. Ils présentent des blessures mortelles « effroyables » causées par des balles expansives. « Il y a une énorme différence entre les dégâts que peut causer une balle de 9 millimètres de diamètre et ceux d’une balle qui s’étale jusqu’à mesurer 2 voire 3 centimètres de diamètre… L’intention est de causer une hémorragie massive, ce qui est considéré comme charitable lors de la chasse à l’élan puisqu’il s’agit d’abattre une bête aussi vite que possible sans qu’elle souffre. En revanche, les conventions internationales interdisent les munitions de chasse dans les guerres puisque le malheureux qui est touché par une balle expansive décède presque à tout coup et peu importe à quel endroit du corps l’impact a eu lieu. » Quand ce genre de propos m’explose dans la tête, les bras m’en tombent. Ainsi, on peut moraliser la guerre. On se tue mais pas trop. Pour les bêtes, c’est différent. Il ne faut pas qu’elle souffre. Je suppose que l’impact est indolore et que l’hémorragie chatouille. C’était ce genre de réflexion qui courait chez les humanistes au XIVe siècle quand la bombarde a été introduite durant la guerre de Cent Ans. Humaniser la guerre, quelle foutaise ! Bien qu’il ne faille pas se braquer face à ces propos assassins, la lecture de Millénium parabellum commence à sentir le roussi, avec un petit arrière-goût âcre. J’aurais préféré que Larsson modère ses effets puis prenne des pincettes et des guillemets avant d’étaler doctement sa science des armes. Cette amère réflexion faite, il faut reconnaître du rythme à l’histoire et un redoutable savoir-faire chez l’écrivain pour mener avec brio une histoire conventionnelle autour de la prostitution des femmes de l’Est en Suède. A nouveau, Stieg Larsson enchâsse ses récits autour de la traque orchestrée après Lisbeth Salander. Son passé refait surface. Avec lui, une pléiade d’affreux scintille à nouveau dans le firmament d’une aura maléfique. Qui est Zala (Alexander Zalachenko) ? Quel est le rôle joué par le tuteur de Lisbeth, maître Bjurman ? Quelle est la place du géant blondinet insensible à la douleur et nanti d’une voix fluette ? Comment Mikael Blomkvist va-t-il faire pour renouer avec Lisbeth Salander ? Le peut-il, seulement ? Qu’est-ce que « Tout Le Mal », majuscule aux maux, à prendre au pied de la lettre ? D’autres histoires se trament en sous-main. Les seconds rôles sont bien tenus : l’inspecteur Bublanski dit Bubulle (« …il était facile de comprendre pourquoi ses collègues l’avaient baptisé Bubulle. Son visage [en colère] avait pris l’aspect d’une énorme bulle de chewing-gum rose »), le pédopsychiatre pervers Peter Teleborian, l’amie de Lisbeth, Miriam Wu composent quelques uns des personnages qui, bien que caricaturaux ont tous une vie propre et une trajectoire bien dessinées. Des moments de bravoure parcourent l’histoire. Ainsi, quand l’ancien champion de boxe Paolo Roberto affronte, dans un combat à mort, le géant blond : « Puis vint… le sentiment de ne pas suffire… La certitude… je suis en train de perdre. C’est l’instant décisif qui distingue le vainqueur du perdant. Peu de boxeurs affrontant cet abîme ont assez de force pour retourner le match et transformer une défaite assurée en victoire. » On se croit souvent dans un film de James Bond revu et dopé par Quentin Tarentino mais le style journalistique et la précision froide du compte-rendu des événements donnent du liant à l’histoire. Les personnages deviennent pathétiques et jouent en vain leur vie dans une tragédie qui les dépasse.
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]
Afficher toutes les notes de lectures pour ce livre