«Les bateaux qui ont connu le goût de l'aventure deviennent amoureux des mers d'encre et ils aiment naviguer sur le papier.»
Parce qu'il a lu
Moby Dick, un garçon chilien de 16 ans rêve de chasse à la baleine. Grâce à son Oncle (oui, il a un Oncle avec une majuscule) il rencontre "Le Basque", impressionnant chasseur de baleine, et son harponneur Don Pancho, et embarque avec eux sur l'
Evangéliste. Mais en assistant à la capture et au dépeçage d'un cachalot, il comprend que la véritable chasse à la baleine est bien loin de l'image romanesque qu'il s'en était fait :
«Le lendemain matin, deux canots ont remorqué l'animal jusqu'à la plage et là les Chilotes l'ont ouvert avec des couteaux semblables à des cravaches de jockey. Le sang inondait les galets et les coquillages en formant des ruisseaux sombres qui rougissaient l'eau. Les cinq hommes avaient mis des cirés noirs et ils étaient ensanglantés des pieds à la tête. Les mouettes, les cormorans et autres oiseaux de mer volaient au-dessus, rendus fous par l'odeur du sang, et plus d'un payait son audace d'un coup de couteau qui le fendait en deux en plein vol.»
Vingt ans plus tard : juin 1988. Exilé à Hambourg, le jeune garçon est devenu un journaliste dévoué à la cause écologiste. Alors, quand un baleinier industriel japonais, censé avoir été réduit en bouillie à la casse réapparaît en pirate pourchasseur de baleines et fait un étrange naufrage à l'extrême sud de la Patagonie, il décide de mener l'enquête. En retournant sur les lieux de son enfance il va rencontrer le capitaine Nilssen, fils d'un marin danois et d'une Indienne Ona :
«Une épaisse chevelure grise empêchait de calculer son âge, et je le vis franchir les quelques mètres qui nous séparaient avec cette démarche de pélican caractéristique des marins qui ont beaucoup de milles derrière eux [...] Ils ne descendent pas souvent à terre et semblent garder dans leur corps le balancement des navires.» Avec l'énigmatique capitaine il va naviguer parmi les récifs du cap Horn, sur une mer hantée par les légendes de pirates et d'Indiens disparus, vers des baleines redevenues mythiques...
La première partie de ce roman, récit initiatique du jeune garçon, m'a relativement indifférée. Dans la seconde partie, quand le roman vire au polar écologiste, mon intérêt s'est réveillé, et j'ai été harponnée par l'énigme du
Nisshin Maru, le baleinier fantôme. Quant au dénouement, l'intervention du merveilleux qui vient interrompre le réalisme factuel de la narration ma désarçonnée. Si ce final ne manque pas de poésie, il jure dans un contexte didactique visant à la prise de conscience écologique. En conclusion, je dirai que Le
Monde du bout du monde est un roman poétique et militant qui aurait sans doute gagné en puissance si son auteur avait évité la pirouette finale et était allé au bout de sa démonstration.
le cri du lézard
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