Pei-king, 28 février 1911, entame le roman sous forme de journal de Victor Segalen (1878-1919), René Leys, publié à titre posthume en 1921. Une fois n’est pas coutume, l’excellente collection L’Imaginaire, chez Gallimard, accueille une œuvre inclassable et remarquable. Parcours géographique et itinéraire intérieur s’entrelacent et se confondent chez Segalen. Comment le lecteur peut-il faire la part des choses entre le roman journal et l’autobiographie romancée ? Tout prête à confusion et cela amène à perdre pied, agréablement. L’écriture claire et vive de Segalen, nourrie de dialogues enlevés, l’humour, la quête du narrateur, rendent la lecture vivante et tonique. Est-on dans un pays imaginaire, une réalité idéalisée ou dans un rêve en marche ? Le narrateur se définit comme étant Victor Segalen. Son professeur de chinois se nomme René Leys, Belge, [pseudonyme non précisé de Maurice Roy, personnage ayant réellement existé]. Segalen est fasciné par la Cité interdite. Leys y a ses entrées. Où se situe la vérité dans les racontars du jeune Belge ? Est-il chef de la police secrète et amant de la Reine Impératrice ? Quelle est la part liée au mensonge et au fantasme ? Jusqu’où Segalen veut-il croire ? « Ce garçon m’a raconté des histoires mystérieuses et merveilleuses. Il m’a laissé voir, il m’a conduit, il m’a ouvert… il m’a véritablement ouvert… le loquet de jade du « Jardin mystérieux » dont il semblait le maître… Il conte si bien ! » On ne peut épuiser en une lecture la richesse du livre qui énonce de façon subtile des variations autour du désir, du plaisir et de la création. Il s’agit aussi d’une histoire d’amour puisque la vie de l’un est portée par les rêves de l’autre. René Leys se lit avec délectation d’une seule traite ou bien se déguste par courts chapitres jusqu’au 22 novembre 1911, date ultime du journal tenu par Victor Segalen.
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