Ce roman italien n'est pas traduit: pour certains spécialistes il est carrément intraduisible. Même le lire dans le texte est un labeur pour maints italophones, à cause de sa langue inventée, ainsi que de ses 1082 pages... Si ce fut un ouvrage d'une vie, le traduire aussi serait le travail d'une vie. Le lire, c'est avoir lu un absolu.
Voici quelques notes plus détaillées:
"Il s’agit de l’une des œuvres cruciales de la littérature italienne du XXe siècle, d’une originalité tout à fait extraordinaire qui en fait un de ces monuments isolés, de ces chefs-d’œuvre que je mettrais sur le même plan que L’Homme sans qualités de Musil, l’Ulysse de Joyce ou la Recherche proustienne. La critique ne s’y trompa pas dès sa parution en 1975 qui s’était faite attendre presque vingt ans, depuis qu’Elio Vittorini et même Italo Calvino avaient persuadé l’éditeur Mondadori à « commanditer » ce roman en 1958. La conscience que son auteur eut, sans cesse, de l’ampleur de la tâche lui incombant, explique le tracas de cette création, dont il existe aussi une version première intitulée I fatti della fera.
L’enjeu est témoigné aussi par l’attention incessante des critiques, y compris des psychanalystes (cf. Girolamo Lo Verso), et par une bibliographie critique imposante.
Le défi tient à la langue, une langue inventée de toutes pièces (d’où la rédaction si interminable) pour ce poème épique mythologique de la métamorphose. « Le véritable protagoniste de ce roman, c’est sa langue. Il y a des mots nouveaux mais venus de loin, aussi savoureux que de l’espadon, qui frappent violemment en frétillant dans l’air comme des fauvichons qui mordent comme des requins » dit Pedullà. C’est une langue qui, conçue expressément pour le dessein de l’œuvre, consiste dans un mélange entre l’archaïsme du grec ancien d’Homère (les critiques sont unanimes à trouver en ce roman un descendent direct et un parallèle complet – le dernier ? – du nostoï, la saga du retour des héros de la guerre de Troie) et le langage dialectal et entièrement déstructuré (y compris dans la syntaxe et la ponctuation) représentation du flux de la pensée et de l’imaginaire mythique du héros, le pêcheur illettré qu’est ‘Ndrïa Cambrìa, de surcroît perturbé de façon obsessionnelle par l’expérience de la guerre. D’où « ce merveilleux amalgame linguistique, croisement entre le dialecte, la langue cultivée et populaire, les néologismes. D’ailleurs D’Arrigo n’en finit jamais de se mesurer avec ce roman ardu et complexe, dans lequel il avait reconstruit un univers à la fois mythologique et symbolique fait d’un entrelacement mirobolant d’histoires (et d’Histoire), toutes construites grâce à un travail frôlant la manie fait de notes, de reconstructions et de plans. Ce fut une lutte corps à corps qui dura même après la publication et jusqu’à la mort de l’écrivain survenue en 1992 » (Maria Pia Ammirati)."
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