[Un siècle de novembre | Walter D. Wetherell, Lori Saint-Martin (Traducteur), Paul Gagné (Traducteur)]
Il est né en 1948, vit dans le New Hampshire, romancier, nouvelliste et auteur de récits de voyage publiés par le NY Times. C'est son deuxième roman traduit en français, le premier ayant pour titre "La soeur de Tchekhov".
Un siècle de novembre ( A century of November)
traduit de l'anglais ( Etats-Unis) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné
Ed Les Allusifs
"Il jugeait les hommes et cultivait les pommes, et cet automne -là n'était propice ni à la justice, ni aux vergers." C'est la première phrase de ce livre. Début d'automne 1918, sur l'Ile De Vancouver. Un homme, Charles Marden. Les pommes se couvrent de taches de rouille , car la fumée des incendies , non combattus faute de jeunes gens encore présents pour le faire, a traversé le détroit. Mais les insulaires disent que le coupable, c'est le gaz moutarde, "charrié par les vents depuis la lointaine France".. Quant à la justice, le magistrat Charles Marden n'a pas grand chose à faire non plus, depuis le début de la guerre les comportements sont exemplaires: " On aurait dit que tout le mal du monde ,transformé en liquide tourbillonnant, se déversait sur la France, suivant le cycle désespéré qui soufflait ensuite la fumée sur l'Amérique."
La femme de Charles Marden est morte trois semaines auparavant de la grippe espagnole. Son fils unique, Billy, fait la guerre depuis 2 ans. Et un courrier arrive, annonçant sa mort au combat dans un village belge au nom étrange.
Alors Marden va se mettre en route, pour mettre ses pas dans les pas de son fils, et jusqu'au bout. Pour aller sur place, à l'endroit exact où s'est terminée sa courte vie.
"Pour ne rien attendre......Avoir des attentes, après ce qui est arrivé....c'est intolérable. S'il y a une leçon à retenir de cette guerre, c'est bien celle-là. Il faut enterrer l'espoir là où il ne risque plus de nous déranger."Et puis pour éviter de juger " juger d'avance, juger avant d'arriver, avant d'avoir vu, de ses yeux vu, l'endroit précis."
C'est le journal de cette quête que l'on lit, du Canada aux tranchées. Ils furent nombreux à faire ces sortes de pélerinages ( et nombreux à y mourir aussi volontairement ou non). Charles Marden arrivera à cet endroit précis , et entendra le récit de la mort de son fils. Alors seulement, il pourra juger et ressentir:
" Billy s'est sauvé. En pleine guerre, malgré les reponsabilités qui lui incombaient, l'ennemi devant lui, il s'est sauvé. J'avais pleinement conscience de ce que j'étais censé ressentir, de ce que les colonels, les généraux, les politiciens et tous ceux qui avaient envoyé ces garçons à leur perte voulaient que je ressente. De l'embarras, de la gêne, de la honte. Pourtant, je n'éprouvais rien de tel. J'étais heureux pour lui. Heureux de savoir que, au dernier instant de sa vie, confronté à une machine invincible, à une herse impitoyable, il était redevenu un petit garçon. Il avait réagi comme tout garçon l'aurait fait dans ces circonstances, avait couru de toutes ses forces vers la vie, la sécurité....Mon seul regret, celui que je garderai jusqu'à la fin de mes jours, c'est qu'il n'a pas couru assez vite."
C'est un texte magnifique, très retenu, sobre et pudique, très sombre bien sûr, mais avec une petite lueur à la fin. On sait que Charles Marden sera tenu d'"attendre " de nouveau, et que cela s'appellera continuer à vivre.
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