L’imprimerie de Cheyne au Chambon-sur-Lignon, dans la Haute-Loire, édite et imprime avec soin et respect de la poésie contemporaine. Les mots sont méticuleusement mis en valeur dans des opuscules sobres et précieux. En rangeant mes livres, enfin !, sur des étagères, après vingt ans de pérégrinations, je découvre sous le carton blanchi par le plâtre et la poussière une plaquette de 55 pages de Jean-Marie Barnaud (né en 1937) intitulé « Sous l’écorce des pierres ». Je suis tout de suite happé par l’écriture simple en apparence (mais tellement ciselée) et par la densité du propos. Tout paraît évident. Les images frappent instantanément : « Il faudra bien un jour percer ce brouillard/Sur les choses/Nous/Devenus si myopes/A présent que la hache/De l’aube/Ne siffle plus à nos épaules/Le même éclair tout à fait ». Le vocabulaire est riche sans être affecté. On sent que les mots ont été pensés et pesés, longuement mûris. On a envie de se les approprier à l’exemple du chapelet suivant, à réciter sotto voce sur le fleuve des morts : « Seul/Pour embouquer les passes/Sans cartes ni portulans/A l’estime ». L’homme se fait humble face au temps qui corrode tout, à la mort, à l’oubli. Son verbe poétique peut seul approcher l’indicible. Sa vision est restituée, intacte et percutante. La portée est universelle. L’horizon changeant et mouvant du pèlerin ne peut pas totalement chagriner un regard qui sait cueillir, en passant, un geste émerveillé : « Tandis que les enfants célèbrent/En leurs rires/D’avoir mis le soleil/Entre leurs doigts ».
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