Quatre planches minimum, huit planches maximum pour huit histoires ramassées comme des nouvelles littéraires afin de montrer ce qui est tu lorsque l'amour est fini. Miguelanxo Prado est un grand dessinateur. Il sait rendre compte du désoeuvrement des êtres, de leur inaptitude au bonheur à travers un regard ou la position d'un corps. La couverture de l'album est significative. L'homme boutonne sa chemise, pensif, désabusé, en tournant le dos à son amante pas moins mélancolique que la couleur presque monochrome qui baigne la chambre. Aucune explosion de joie ou de jouissance au fil de l'album ! Les sourires sont en coin et les regards en biais. Les couleurs sépia accentuent l'enfermement des personnages dans leur égoïsme. Les milieux décrits sont huppés mais les vies sont ratées. Il a fallu faire des choix et la réussite sociale a prévalu sur l'amour. Un des tours de force de Prado consiste à modifier la perception que le lecteur peut avoir d'un personnage selon le cadrage ou une simple inclinaison de la tête : "A travers la baie vitrée, l'homme contemple la silhouette d'une femme dans laquelle il est incapable de percevoir la sensualité ou l'attirance de celle qui marchait devant lui il y a à peine une heure." La dernière histoire intitulée Ballade pour néon et saxo, particulièrement réussie, est cadrée comme un morceau de jazz et baigne dans un blues poisseux. On saisit alors vraiment tout le poids de la solitude.
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