Pluviôse.
La littérature, ou la poésie, enrichies par la terminologie naturaliste trouvent à se fortifier et à croître dans une relation symbiotique profitable. Encore faut-il être en mesure de porter un autre regard sur la nature et le vivant. Cela ne s’improvise pas et Fabienne Raphoz pratique depuis longtemps cette gymnastique mentale. « La saison des mousses » est une belle manière pour « entrer en nature » et introduire une forme d’écopoétique qui tente de penser et de sentir autrement le rapport au monde non humain. Connaître et ressentir, ici et maintenant, est une autre façon d’être et d’agir pour habiter la Terre avec plus d’intensité. Les courts textes déambulatoires ont été cousus ensemble sans autre lien qu’une manière de faire similaire, le premier texte sur la Pisaure, l’araignée pouponnière, est significatif d’une observation de terrain qui s’étoffe ensuite avec une réflexion élargie, nourrie d’un savoir livresque, poétique et scientifique. D’une écriture riche et parfaitement lisible, l’auteure, d’une grande générosité, laisse découvrir son atelier créatif à travers notamment des références bibliographiques et des citations brèves et chatoyantes qui illuminent ses promenades réfléchies. Le chapitre intitulé « Les étoiles du texte » présente les sources, les commente, les enrichit de poèmes, fait des sauts de côté, ouvre des parenthèses. On y découvre Emmanuel Hocquard et son « Cours de Pise », « Les chasses subtiles » de Jünger, « Les souvenirs entomologiques » de Jean-Henri Fabre, le « Virgile » des insectes, Emily Dickinson, of course, « le merveilleux livre sur les lichens » de Vincent Zonca et bien d’autres auteurs qui dessinent des connivences invisibles. Il est délicat de trouver le point d’équilibre entre l’observation naturaliste et l’épanchement littéraire, d’insuffler de l’intérêt dans une nature qui nous échappe. En évitant tout lyrisme, en considérant avec attention la nature près de chez soi, la poétesse s’inscrit dans un humanisme qui fait corps avec tous les êtres vivants quand un socle commun de sensibilité nous relie.
Pluviôse n’est pas synonyme de sinistrose mais bien au contraire c’est un moment privilégié du calendrier, peut-être révolutionnaire, pour poser un regard neuf sur la jungle des mousses phosphorescentes et sur la captivante beauté du monde.
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