Le vieil homme et l’amer.
Les Dolomites, montagnes préalpines italiennes sont comme des canines blanches acérées plantées au ciel. Les vires, ces saillies rocheuses étroites qui parcourent en courbes de niveau les abrupts, sont légion dans le massif. Dans le Tyrol du Sud, le Val Badia constitue un point d’accès à des itinéraires magnifiques et vertigineux. La vire du Bandiarac choisie par le vieil homme pour se mesurer à la grandeur et à la solitude est un « endroit escarpé et dangereux ». Ce jour-là, un homme le précède. Il chute mortellement. Le randonneur prévient les secours, en vain. Le vieil homme est néanmoins appréhendé par la justice car l’excursionniste décédé est un ancien compagnon de lutte durant les années de plomb en Italie. Il a trahi les membres du groupuscule terroriste auquel il appartenait, les livrant à la police et à la prison. Amer, après avoir purgé sa peine, le vieil homme pourrait avoir trouvé une occasion en or pour se venger de l’ami devenu un traître à vie. Impossible qu’il n’y ait pas eu vengeance. Un magistrat va s’évertuer à questionner le vieil homme afin de lui faire avouer l’impossible mais un alpiniste ne lâche jamais prise quel que soit l’abîme sous ses pieds.
Le roman allégorique d’Erri De Luca trouve son image conclusive dans le combat des chamois lors du rut. Même si l’œuvre se veut réaliste, elle n’en est pas moins hors des procédures judiciaires et perd en crédibilité. Il est difficile d’imaginer un magistrat interrogeant un suspect emprisonné sans preuve, juste sur une intime conviction, avec des questions métaphysiques à la clé. Le dialogue entre les deux hommes ressemble davantage à un monologue intérieur, à une cogitation de l’écrivain en personne. Les thèmes majeurs d’Erri De Luca sont brassés comme la marche en montagne ou l’engagement politique. Son roman sent alors le vécu. Sans en avoir éprouvé la teneur, on ne peut pas écrire une phrase comme : « La peur est utile. C’est d’ailleurs une forme de respect et même de révérence due à l’immensité du lieu qu’on traverse. La crainte est le préliminaire de la concentration. Elle n’entrave pas les mouvements, elle en augmente la précision. »
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