[Le château des animaux. 2, Les marguerites de l’hiver | Xavier Dorison ; Félix Delep]
De quel bois se chauffent-ils ?
Le château, microcosme autarcique d'une obscure tyrannie, est entré dans l'enfer polaire de l'hiver. Les animaux s'échinent au travail en journée et s'affairent après leur labeur à l'harassant bûcheronnage afin de chauffer les appartements du roi Silvio que colonise toute une clique de parasites. Les bêtes corvéables doivent d'ailleurs racheter le bois qu'elles ont ramassé et coupé. La révolte commence à échauffer les esprits. Tant d'injustice ne peut perdurer. La chatte Miss Bengalore, dirigée en sous-main par le rat Azélar, assistée de César, le lapin, fomentent une rébellion non violente contre la tyrannie : obtenir le bois de chauffage gratuit. Tous les animaux semblent se fédérer mais Silvio, vilement conseillé, lui-même cauteleux et retors, a encore de quoi voir venir mais les manants le nourrissent. Trop de morts entraîneraient une baisse préjudiciable de la productivité. Il faut peut-être composer et le taureau Silvio est plus prompt à encorner qu'à dialoguer.
Xavier Dorison a su concocter une histoire qui tient en haleine fraîche. Il est naturel de s'identifier aux personnages représentés par des animaux. Les émotions humaines leur collent au poil. La chatte digne et fière, harnachée, tirant sa pierre avec peine et acharnement, suscite une irrépressible empathie. Alors qu'elle devrait céder, elle tient vaille que vaille. Comment ne pas partager son chagrin et ses joies, son combat et ses avancées ? Tout l'album est centré sur ce bras de fer entre la base et le sommet. L'hiver est de la partie. Il exacerbe les situations. Le roi dicte ses volontés depuis son appartement. Ses chiens anonymes font la police. La basse-cour encaisse les maltraitances. Delep signe une partition graphique habitée. Son trait expressif semble se diluer dans le blanc de la neige à mesure que les animaux s'affaiblissent et s'effondrent. On croit lire un conte philosophique. On y voit l’éternel manège des maîtres et des valets et bizarrement, on ne s'y ennuie jamais.
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