Deux familles du pays basque espagnol. Leur histoire commence dans un village près de Saint-Sébastien, à la fin du XXème siècle, et s’achève en 2011 lorsque l’ETA met fin définitivement à son action armée. (L’ETA était une organisation indépendantiste basque d’inspiration marxiste-léniniste.) Les mères – Miren et Bittori, sont amies, les pères – Joxian et le Txato aussi, les enfants aussi. Et puis le Txato est assassiné devant chez lui par des membres de l’ETA, après une longue campagne de harcèlement, parce qu’il ne paie pas assez, pas assez vite, l’impôt révolutionnaire. Bittori quitte le village. Par ailleurs, un des fils de Miren, Joxe Mari, se laisse embrigader dans l’Organisation et Miren devient elle aussi une fanatique de l’action indépendantiste.
Toute vie au village est pourrie. Les graffiti, les non-dits, les ragots, les conciliabules dans l’arrière-salle du café, les encouragements patelins du curé, les regards de haine dans la rue ou l’impression, soudain, de devenir transparent, toute la vie sociale du village est clivée autour de l’appartenance à l’Organisation. Même au cimetière on n’ose pas se montrer devant la tombe des victimes. En ville aussi des assassinats se produisent, terrorisant des innocents et décimant des familles, parfois sans motif apparent. « L’ETA doit agir sans interruption. Il n’a pas le choix. Il y a belle lurette qu’il est tombé dans l’automatisme de l’activisme aveugle (…) Cette façon mafieuse de fonctionner dépasse la volonté de ses membres. », p. 472
Mais Bittori, la veuve courageuse, tient bon. Ce qui la porte, c’est l’espoir de voir reconnu son statut de victime. Elle attend la demande de pardon des assassins de son Txato.
Et en prison, Joxe Mari, le terroriste modèle finit par constater : « Demander pardon exige plus de courage que tirer au pistolet ou déclencher une bombe : ça, c’est à la portée de n’importe qui. Il suffit d’être jeune, crédule et d’avoir le sang chaud. » p. 708
Ce roman foisonnant et subtil m’a beaucoup plu. Les personnages sont énormes, cohérents, intéressants. Au début, j’ai eu un peu de mal à retenir les prénoms, c’est la raison pour laquelle j’en ai cité quelques-uns, afin de vous préparer à entrer dans cette œuvre magnifique, au cas où vous auriez la bonne idée de la lire. La perspective éthique est mesurée, aucun manichéisme, c’est l’humanité dans sa pauvreté et sa richesse qui est finalement évoquée ici dans ses composantes polymorphes. Le récit est structuré en de très nombreux chapitres courts, ce n’est pas ma préférence littéraire mais ça n’enlève rien à la valeur du livre.
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