“I can feel myself fading away... On the streets of”… Laredo.
La bourgade texane de Laredo jouxtant la frontière du Rio Grande constitue le lieu pivot d’où s’organise la traque du jeune tueur mexicain Joey Garza par le vieux Texas Ranger Woodrow Call, légende de l’Ouest perclus de rhumatismes, à la vue défaillante. Joey pille les trains et massacre les voyageurs, répandant la terreur dans la contrée et la vindicte du propriétaire des lignes ferroviaires, le colonel Terry qui n’hésite pas à faire appel à Call, devenu chasseur de primes, la renommée primant sur la fraîcheur de l’homme. Tatillon, radin et atrabilaire, Terry dépêche au Texas son comptable, Ned Brookshire afin qu’un registre des dépenses soit scrupuleusement tenu et que les télégrammes l’informent en temps réel de l’avancée dans la chasse à l’homme. Rien ne va de soi pour Woodrow Call. Son fidèle adjoint, Pea Eye devenu fermier et père de famille, se défile. Assisté d’un rond-de-cuir que le vent des grands espaces terrorise, désorienté par un tueur malin et déterminé, contrarié par son âge avancé, Woodrow va devoir changer ses plans quand il recroise la piste de Mox-Mox longtemps donné pour mort, épouvantable tortionnaire et assassin sans limite, surnommé le « brûleur d’homme » eu égard à ses pratiques infâmes. Comble du revirement de situation, Garza décide de pister Call. Nanti d’un fusil à lunette de haute précision, formé aux techniques indiennes de combat et de survie, Joey Garza veut entrer dans la légende à son tour après avoir éliminé ses traqueurs dont le mythique Woodrow Call.
Hommes de chair et de sang, les personnages de Lonesome Dove se confrontent à leurs limites et aux espaces ouverts des confins où la loi du plus fort règne sans partage. Dernier volet d’une saga impressionnante, « Les rues de Laredo » racontent la fin de l’Ouest légendaire et le début d’une nouvelle sauvagerie que la modernité apporte. Call s’éteint, droit dans sa botte et les jeunes brutes émergent, défouraillant sans état d’âme. Le vieux pisteur indien Famous Shoes, capable de repérer les traces des oiseaux dans le ciel, revient magnifiquement hanter ce roman crépusculaire. Des femmes, telle Lorena, ancienne prostituée devenue mère de cinq enfants et institutrice ou Maria, affolante de courage et d’abnégation, d’intelligence et de grandeur d’âme, mère aimante du démon incarné en Joey Garza, sont d’une force exceptionnelle.
Le lecteur est constamment surpris et captivé. Quand l’auteur aborde un nouveau personnage, il dévide sa vie en quelques paragraphes et lui apporte une présence étonnante. Sa façon de restituer les différents points de vue des personnages participe grandement au charme du roman. Ainsi, une même situation décrite par un Indien ou un Blanc sera diamétralement éclairée, provoquant parfois des rires même si la scène est dramatique. Savamment documenté, bien construit, nourri de paysages vivants et de personnages terriblement incarnés, « Les rues de Laredo » clôturent une inoubliable épopée débutée avec « La marche du mort » couvrant la jeunesse des deux rangers Gus et Woodrow dans les années 1840, suivie de « Lune comanche » se déroulant en 1850-1860, puis de « Lonesome Dove » en 1870. Western puissant, geste homérique, œuvre littéraire bouleversante, la saga est une source de plaisir constante et irradiante.
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