Ce ouvrage autofictionnel est le premier livre d'une jeune auteure (classe 1995) née en banlieue parisienne d'une famille algérienne musulmane. Par de très courts chapitres, presque des fragments, qui s'ouvrent invariablement par la déclinaison de son identité au sens de l'état civil - « Je m'appelle Fatima Daas » (avec quelques minuscules variantes) –, telle une litanie ou une formule d'introduction propitiatoire, elle aborde certains thèmes autobiographiques : sa situation familiale, sa maladie chronique (une forme sévère d'asthme), la découverte de son homosexualité mise en relation avec l'évolution de ses rapports humains (avec filles et garçons, parents et « étrangers ») et avec une pratique de plus en plus conscientisée de sa foi musulmane ; et enfin, en filigrane, la construction de son identité collective entre la France et l'Algérie. Le seul élément ostensiblement modifié par rapport à la biographie de l'auteure, c'est l'âge de la narratrice du monologue, qui est augmenté de trois ans.
Outre la valeur intrinsèque du témoignage individuel d'une jeune fille appartenant des groupes sociologiques dont nous n'avons pas encore l'habitude d'entendre la parole (fille de banlieue, homosexuelle, musulmane pratiquante), c'est surtout une image complexifiée et donc proportionnellement éloignée des stéréotypes qui émerge de ce récit d'une adolescence et d'une jeunesse qui se bâtit dans l'affrontement entre dialectiques qui semblent mutuellement incompatibles (la sexualité et la religion, l'identité héritée et celle construite individuellement), par une remarquable économie de parole, grâce à l'ellipse et à des anecdotes aussi emblématiques que menues. Ainsi, par petites touches et allusions, l'on découvre ses moyens d'évitement de la violence familiale, son apprentissage de la communication affective dans les relations amoureuses, son abandon d'une légère mais certaine homophobie sans doute héritée, une progressive acceptation de soi venant avec la croissance.
En somme, la verdeur d'un premier roman, en particulier un certain maniérisme stylistique, est amplement compensée par la qualité testimoniale qui inversement eût été perdue si l'écrivaine avait tardé à se révéler.
Cit. :
« Je devais aimer Dieu et l'islam pour réussir à pratiquer avec envie et amour et non par contrainte.
Je trouvais cette manière de tisser un lien avec la religion juste, mais je comprenais dans le même temps que je ne savais pas très bien comment investir dans ce qu'on appelle "une relation", comment être dans cet élan-là : "prouver qu'on aime".
Avant, les vérités me paraissaient dangereuses à dire.
J'ai longtemps pensé que les choses se ressentent plus qu'elles ne se montrent.
Des restes de mon éducation : montrer par petites touches mais ne jamais dire. » (pp. 108-109)
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