[Du polar : entretiens avec Philippe Blanchet | François Guérif]
Polars en rafales.
Trônant sur un présentoir des éditions Rivages/Noir dans l’attachante librairie corrézienne « Vivre d’art », à Meymac, les entretiens, enregistrés en 2012, du pape du polar François Guérif avec le journaliste Philippe Blanchet, accroche le regard avec en couverture la belle photographie mangée d’ombres du très estimé directeur de collection chez Payot & Rivages.
Le livre est passionnant de bout en bout. François Guérif ouvre des portes qui débouchent sur des continents vierges. Ses éclairages de lecteur boulimique et d’éditeur averti sortent de l’oubli bien des œuvres mises en parallèle des auteurs dont la vitalité réciproque se nourrit. Si François Guérif expose les premières lectures marquantes de sa jeunesse avec « L’île au trésor » de Stevenson, « Le mystère de la chambre jaune » de Gaston Leroux ou encore les aventures de Sherlock Holmes, c’est à l’adolescence quand le polar se conjugue au cinéma américain qu’il est loisible pour lui de passer de l’image à l’écrit, du film à l’œuvre qui l’a inspiré. En dévidant le fil des souvenirs, un auteur en appelle un autre, Conan Doyle créant une mythologie autour de Holmes, amenant à ses continuateurs comme Rex Stout et son détective en fauteuil Nero Wolfe. Dès le deuxième chapitre, François Guérif associe son travail de libraire et d’éditeur aux découvertes majeures que sont David Goodis (1917-1967) [« La nuit tombe » (1947), « Sans espoir de retour » (1954)], James Cain (1892-1977) [« Le facteur sonne toujours deux fois » (1934)], Fredric Brown (1906-1972) [« La fille de nulle part » (1951)] ou encore Robert Bloch (1917-1994), l’auteur de « Psychose » (1959), fameux roman adapté au cinéma par Alfred Hitchcock en 1960 mais occultant par contrecoup toute une production littéraire pourtant remarquable [« La nuit de l’éventreur » (1984), « Autopsie d’un kidnapping » (1954)]. Les chapitres défilent et les auteurs jaillissent, comètes éblouissantes enrichies d’anecdotes éclairantes : Jim Thompson, Donald Westlake, Tony Hillerman, James Ellroy, nombre d’auteurs français avec Léo Malet, Paul Siniac, Frédéric Dard, Jean-Pierre Manchette, etc. Souvent, les traductions françaises ont été tronquées, fautives et il convient de revoir la copie en proposant de nouvelles traductions qui mettent en valeur les qualités littéraires. La rencontre entre Ellroy et Guérif est unique et se traduit par une confiance mutuelle inébranlable. A mesure que le catalogue chez Rivages Noirs s’étoffe, les auteurs retrouvent leur envergure à l’exemple de James Lee Burke, Edward Bunker, Dennis Lehane ou James Crumley. Robin Cook, écrivain de romans noirs anglais occupe tout un chapitre dans le panthéon de François Guérif. Le polar nordique est esquissé. L’ouvrage se conclut sur une bibliographie sélective des polars marquants. Les entretiens constituent une mine inépuisable, un auteur en hélant un autre, déployant les livres dans un tourbillon enivrant.
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]