Thoreau et la vie sauvage.
L’écrivain écossais francophone Kenneth White (né en 1936) assemble ses écrits les plus conséquents consacrés à Henry David Thoreau (1817-1862), écrivain américain d’origine française, deux intellectuels cosmopolites capables de dialoguer, portés tous deux par un « nomadisme intellectuel », malgré la petite centaine d’années qui les sépare. Esprit « renaissant » du Nouveau-Monde, Thoreau montre qu’il est possible de rendre son quotidien habitable en adaptant ses besoins à ses ressources, en construisant sa cabane au bord de l’étang de Walden, à Concord, en cherchant à pouvoir être le « poète de sa vie ».
Kenneth White expose ses affinités avec Thoreau. Il remonte la généalogie de l’écrivain philosophe « pré-américain » afin d’approcher les fondations de sa personnalité. Il trace le dessein de Thoreau à travers le substrat de sa vie intérieure : « [Son projet] est existentiel, naturaliste et poétique ». Il le piste à Concord, animant la topographie que Thoreau a intégrée en son temps, vivifiant le paysage arpenté, étudié, aimé par Thoreau. Il réactive sa pensée puisée dans son Journal (1837-1861), « un journal météorologique de l’esprit » de 7 000 pages, « 47 gros cahiers manuscrits », [en cours de parution aux Editions Finitude, 5 vol. inédits, 1837-1851] qui consignent observations naturalistes, impressions et réflexions, tout un matériau dans lequel Thoreau pourra puiser à loisir pour des conférences à tenir ou des essais à paraître. A la démarche mystique, poétique, scientifique s’ajoute une dimension politique d’envergure. Thoreau veut rendre son « gagne-pain poétique ». Quitte à renoncer au confort, il ne veut pas s’assujettir et perdre son temps dans une besogne débilitante qui amoindrirait l’intensité de vivre. Ses formules ont une résonance contemporaine et une portée subversive : « Le coût d’une chose, c’est la quantité de ce que j’appelle « vie » qu’il faut donner en échange pour elle, soit immédiatement, soit à longue échéance ».
Bien qu’il y ait quelques redites d’un texte à l’autre, des passages parfois trop lapidaires qui mériteraient un développement approprié ou des concepts philosophiques un éclaircissement plus accessible, l’ensemble éclaire intelligemment l’œuvre de Thoreau, essentielle et largement méconnue, actuelle et nourrissante à l’instar de son programme : « Être dehors à l’affût de l’aube et de la nature ; Être l’arpenteur de sentiers dans les bois ; Jouir du vif de l’instant ».
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]