Recyclage à tous les étages.
Une croix rouge signifiant son anéantissement programmé clouée au seuil de sa maison, un exclu social essaie d’échapper à l’ordre comminatoire mais peine perdue, un robot zélé vient le cueillir chez lui et le transporte dans une usine automatisée de compression des viandes, le quidam étant transformé en brique d’assemblage sans autre forme de procès. Dans le pool d’employés de l’usine, la même sentence arbitraire tombe sur les salariés subordonnés, surveillés et dénoncés par leurs lampes individuelles de bureau. Il y a encore des scientifiques dévoués qui implantent des organismes intelligents dans de jeunes cobayes décérébrés. Vient un moment où le big boss se trouve supplanté par un organisme génétiquement modifié et c’est la foire à la saucisse.
Bédé sans bulle mais rotant une histoire dense mais fluide, « Stum », sous des dehors cartoonesques presque édulcorés par les rondeurs des Bic rouge et bleu du dessinateur, n’en délivre pas moins une vision rentre-dedans d’une société bâtie sur l’exploitation viscérale des individus, à l’élimination et au recyclage des déviants. Malgré un fond sombre et glauque, le sourire affleure sous le coup de la caricature bonhomme et du grotesque débridé. Yann Taillefer donne l’impression de continuer sur la thématique et l’œuvre de Winshluss là où l’artiste s’était arrêté en réalisant son Pinocchio paru en 2008 mais accouché des années auparavant, chapitre après chapitre. Pourtant, Yann Taillefer fait œuvre originale et produit un album remarquable, maîtrisé et percutant, sous ses allures lénifiantes que les courbures graciles de ses Bic accusent.
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