« J’ai attendu, attendu, elle n’est jamais venue ».
Tout commence et se termine en chanson : en page de titre : « Zaï-zaï-zaï-zaï » comme le roucoulait Joe Dassin dans son refrain et en épilogue le karaoké final punissant le délinquant Fabcaro avec la reprise de la chanson du crooner français « Siffler sur la colline ». La peine est lourde pour un timide congénital conscient de l’ineptie de la chansonnette à dégoiser en public.
Le pitch de la bédé multi récompensée est connu : Fabcaro, auteur de bandes dessinées, est incapable de présenter sa carte de fidélité à la caissière d’un supermarché. Le gérant vient à la rescousse de Roselyne mais le dangereux fautif menace et brandit un poireau avant de prendre la fuite. La chasse à l’homme déclassé va s’engager. L’affaire est médiatisée et suivie. Fabcaro s’enfonce toujours plus loin dans la France profonde jusqu’en Lozère ce qui inquiète les forces de l’ordre qui ne parlent pas le lozérien.
Jonglant avec l’absurde et l’autodérision, Fabcaro a réussi une œuvre tragi-comique que n’aurait pas reniée un Kafka contemporain même si le génial auteur tchèque ne se réincarnera jamais. Il faut s’y faire mais une métamorphose est peut-être possible. Alors Fabcaro est là et malgré le rouleau compresseur des « forces supérieures », il met en scène un homme responsable, avec ses choix, face aux autres et à lui-même. Quand le lecteur s’empoigne avec la bédé, il n’a plus d’autre choix que d’aller jusqu’à la dernière page, tenu en haleine et en joie par les multiples scénettes et rebonds, cabrioles et paroles décalées. Il est impossible de ne pas rire quand Jean-Pierrot, moyennement connu, brandit un radis issu de l’agriculture raisonnée dans un geste de colère envers Fabcaro. Si chaque page est farcie de loufoquerie, l’ensemble se tient et délivre un message politique clair sur la tolérance et le respect. Par les temps qui galopent, c’est plutôt bienvenu.
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