Loup y es-tu ?
Pisteur de loup patenté, l’écologue philosophe Antoine Nochy arpente les environs de son domicile cévenol dès lors où il entend parler d’une attaque lupine sur un veau nouveau-né dans une étable isolée. Débute la quête du loup mais l’animal demeure invisible, ne se matérialisant qu’à travers des empreintes fuyantes, des carcasses de proies, une fébrilité animale, des témoignages humains. Les caméras à infra-rouges posées dans des endroits jugés stratégiques ne révèlent rien. Ecoutant, humant, raisonnant, laissant sourdre sa part animale, Antoine Nochy observe le terrain et, fort de ses connaissances naturalistes, cartographie une piste probable du loup mais toujours la bête se dérobe, esquive, s’estompe jusque dans l’imaginaire du guetteur.
Le lecteur suit un journal de traque sur quatre mois, de mars, « Le mois des repérages » à juin 2016, « Des hurlements au cœur d’un itinéraire ». L’auteur y décrit son cheminement, la mise en place des pièges olfactifs et des caméras, ses découragements et ses enthousiasmes. Aux descriptions de terrain s’entremêlent des réflexions pertinentes sur la gestion de la nature, la cohabitation des espèces ; des informations naturalistes sur le loup sont distillées et suscitent toujours l’intérêt. L’écriture n’est pas littéraire ou poétique ; elle se veut factuelle et neutre, visant l’objectivité mais l’auteur ne peut pas toujours contrarier sa formation universitaire de philosophe ; il tente parfois de cadrer le monde à travers des concepts dans un système de pensée. Conscient des limites d’une telle démarche, il revient vite à la réalité tangible : « Notre métaphysique s’imagine que l’être produit le monde or l’écologie nous raconte que les êtres sont produits par l’interaction qu’ils ont avec le monde ». Juste après on peut lire : « On est passé de la féodalité à la société industrielle, nous nous sommes enfermés dans cette passion de résumer le monde à une unité ». Enfin, il conclut : « On ne vit pas avec la culture, on vit avec la nature ». Ces digressions essentielles et riches rehaussent un carnet de terrain instructif mais néanmoins volontairement lacunaire pour des raisons de sécurité quant aux localisations géographiques, ménageant le suspense, titillant la curiosité, maintenant le désir d’aller jusqu’au bout du document afin dans déborder le contenu pour arpenter les Cévennes, sur les traces d’un Lupin, passé maître dans l’art de la pointe et de l’esquive.
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