Remonter la Marne" ... à pied. Le programme peut sembler modeste à côté de celui des pélerins de Saint-Jacques de Compostelle ou de celui des randonneurs du GR20 sans même évoquer les défis d'un Jean-Louis Etienne ou d'un Sylvain Tesson. Mais cette modestie a son prix, surtout quand elle est accompagnée du talent d'écriture que possède Jean-Paul Kauffmann. Celui-ci, ayant grandi "aux Marches de la Bretagne" non loin de Rennes, a gardé "un tropisme de l'Est" de la France (d'où est originaire la branche paternelle de sa famille) et une tendresse particulière pour cette région. Il entreprend donc de longer la Marne à pied et à rebours, en partant du confluent de la Marne et de la Seine à Charenton, à la fin du mois d'août, pour rejoindre environ deux mois plus tard les sources de la Marne à Balesmes, sur le plateau de Langres. "Remonter la Marne" est le récit chronologique de ce voyage, morceaux choisis et probablement réécrits de son journal de bord. Jean-Paul Kaufmann s'y montre curieux de tout. Il s'intéresse tout autant à la géographie, l'économie, l'urbanisme de ce cours d'eau et des villes qu'il traverse – notant l'état d'abandon dans lequel se trouvent bien des villages, une fois dépassée l'opulente Champagne –, qu'au rôle qu'il a pu jouer dans l'Histoire de France, du Moyen-Âge jusqu'à nos jours, qu'aux écrivains ou hommes politiques qui ont vécu ou écrit sur ses rives (Bossuet, La Fontaine, Georges Simenon, André Breton ...) sans oublier les autochtones au devant desquels notre marcheur tente d'aller quand il parvient à vaincre la méfiance spontanée que bien souvent il inspire avec son allure de vagabond. Cela nous donne alors quelques beaux récits de rencontre. Le philosophe et épistémologue Bachelard et son essai "L'eau et les rêves" accompagnent aussi le journaliste itinérant dans sa quête de la source. Pourtant ici, point de grandes envolées philosophiques : on y trouvera la voix humble et sincère d'un homme, qui comme Montaigne en son temps, essaie de partager avec ses contemporains ce qu'il voit, comprend, apprécie ou craint de ce monde qui, comme le fleuve, est toujours le même et toujours autre. Avec, à défaut d'un bon repas, un bon cigare pour se remémorer et savourer la journée passée.
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