De cosses en castes.
Les maisons d’Iszm (1964). (4/5)
En prendre de la graine.
Débarqué du vaisseau-express Eubert Honoré sur la planète Iszm, le Terrien Aile Farr, vivement intéressé par la contribution des plantes au bien-être humain, espère en apprendre un peu plus sur les maisons végétales dont les Iszmiens tirent de substantielles ressources avec leurs exportations en situation de monopole de quelques modèles simplifiés dans l’aire gaïane. En sa qualité de botaniste, Aile Farr devient un étranger hautement suspect, voleur potentiel de graine et de plant femelle. Il est immédiatement fouillé et affublé d’agents du Szecr, la police d’Iszm. Surveillé, encadré, dirigé, Farr, las de ne pouvoir faire aucun pas hors des sentiers balisés sous peine de mise à nu physique et mentale ou pire d’incarcération dans la maison folle en cas de vol caractérisé décide de déjouer la surveillance maniaque du Szecr. Mal lui en prend car son échappée coïncide avec une attaque foudroyante de Thords. Pour Aile Farrn les vrais ennuis vont commencer car il est impossible pour les Iszmiens que le Terrien n’ait pas fomenté cette astucieuse planification.
Ce court roman, The Houses of Iszm, de Jack Vance (alors âgé de 38 ans) est paru en 1954 dans le magazine américain Startling Stories pour être édité, accompagné d’une autre nouvelle, Son of the Tree, dix ans plus tard chez Ace Books. Il faudra attendre encore onze ans pour qu’en 1973 Albin Michel le publie en France. Alors qu’il refait surface régulièrement, le roman conserve toute sa fraîcheur originelle. S’il ne fait pas beaucoup de remous sur la scène littéraire, il ne prend pas de ride non plus. La vie symbiotique des Iszmiens avec leurs maisons végétale est étonnante et restituée avec une économie de moyen qui n’exclut pas pour autant des descriptions précises, vivantes et riches en couleur. La trame est simple et se tresse autour d’une question qui taraude les Iszmiens : Est-ce que et jusqu’où Aile Farr est compromis dans la tentative de vol ? L’enquête se conclura de retour sur Terre.
Alice et la cité (1974). (3,5/5)
Macho pas bo.
Bodred Histledine dit « Big Bo » est un malfrat imbu de sa personne, jouisseur et fainéant. Condamné à travailler pour purger une peine, il s’escrime de mauvaise grâce au chantier spatial comme polisseur de métal jusqu’au moment où il croise Alice : « une créature précieuse, inestimable », fille du capitaine Merwyn Tynnott de l’Ordre de l’Empire Terrien, de passage à Haunt, ville extraterrestre connue sous le nom de Juliville. Infatué et concupiscent, il ne va avoir de cesse d’approcher la jeune femme qui subit déjà les avances plus raffinées mais tout aussi troubles de Waldo Walberg, être maniéré de haute caste. La visite des quartiers louches de la ville cosmopolite va entraîner Alice dans une spirale viciée et dangereuse.
Dans cette nouvelle publiée en 1974, Jack Vance s’amuse à construire un marivaudage où rivalisent deux hommes frustrés et retors pour une femme vive, indépendante, intelligente et douée de multiples talents cachés. Même transplantée aux confins de l’espace, la pâte humaine frémit et agit selon des instincts immémoriaux qui laissent la part belle au machisme et à la beaufitude incarnée. Le lecteur s’amuse de situations convenues mais rondement menées. Toutefois, seule l’aire spatiale décolle au bout de la nouvelle, laissant le lecteur circonspect, Bo et Waldo sur leurs faims.
Fils de l’arbre (1964). (4/5)
Round up.
Joe Smith, Terrien surfant sur des mondes intergalactiques à la recherche de son homologue Harry Creath pour les beaux yeux de Margaret atterrit sur la planète Kyril dominée par les Druides. La caste druidique vit aux dépens de cinq milliards de serfs, tous assujettis à un arbre unique et immense. A peine arrivé, Joe Smith est abordé par un énigmatique Mang : « Un petit homme rondouillard à la peau jaune citron… Les grands yeux innocents, les bajoues bien développées… ». Ambassadeur de haut rang en provenance de Mangtsé, la planète rivale, Hableyat le Mang semble en mission secrète et croit voir en Joe Smith une pièce maîtresse quant à l’avenir des deux planètes interdépendantes. Joe poursuit son propre but mais il se trouve très vite embarqué dans une histoire qui le dépasse, entre assassinats orchestrés et tueurs aux trousses.
La nouvelle, écrite en 1951, a été publiée pour donner du volume aux « Maison d’Iszm » mais si l’arbre est central dans les deux récits, il prend ici une tournure sinistre. Jack Vance brosse à grands traits des systèmes exogènes économico-religieux probants dans lesquels un Terrien nanti de son bon sens et de ses connaissances techniques navigue à vue. Sa quête ne sera dévoilée qu’à la fin avec une mise en scène, une économie de moyens et un sens de l’humour remarquables. Le lecteur s’accroche immédiatement au personnage car si ses intentions intriguent, son comportement est tout à fait identifiable. La solution simple apportée en fin de course à un nœud gordien est typique de l’auteur américain. Avec de bons repères, le dépaysement est garanti et le voyage riche en découvertes.
Le dernier château (1966) (5/5)
AdopteUnMek
Les châteaux conçus et jugés inexpugnables depuis des siècles tombent les uns derrière les autres par le biais d’une stratégie militaire concertée. Les Meks, anciens esclaves d’origine extraterrestre, se sont lancés comme un seul humanoïde dans la bataille et les occupants incrédules des sites protégés sont tous tués. Au château Hagedorn, les nouvelles extérieures sont mauvaises mais les nobles n’en ont cure car comment une engeance de basse extraction peut-elle les menacer ? Et surtout pourquoi ? N’étaient-ils pas satisfaits de leur condition, ces Meks besogneux ? Face à un danger concret, les aristocrates ne savent que faire d’autant qu’ils ne savent plus rien faire de leurs mains, les Meks les ayant remplacés en tant que techniciens dans tous les domaines. Le noble Xanten n’entend pas rester les bras croisés en attendant le rouleau compresseur mek.
La dernière nouvelle du recueil est la plus aboutie et elle retient l’attention de bout en bout, l’issue de la guerre tenant lieu de suspense. Jack Vance tricote sa verve sur une même trame narrative, la prise en main d’un destin individuel avec l’antienne, s’adapter ou mourir.
Dans l’ensemble, les 500 pages réunissant les quatre nouvelles offrent une palette représentative du talent de l’auteur capable de faire chatoyer des mondes imaginaires par la magie de son verbe.
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