Adresses fantômes
Arpenteur des rues parisiennes et lecteur rêveur, Didier Blonde se lance dans une cartographie d’adresses souvent vacillantes, voire évanescentes, piochées dans une littérature chérie, portée en soi, dans le prolongement du pas et de la vie. Son enquête débute en pistant les traces de l’insaisissable et charmeur Arsène Lupin. En habitant lui-même rue Charles-Laffitte, à Neuilly, Didier Blonde découvre, alors qu’il est âgé d’une douzaine d’années, à deux pas de chez lui, l’emplacement de l’entrepôt du célèbre gentleman cambrioleur : « Etait-ce ma vie brusquement qui basculait dans la fiction ou l’imaginaire qui s’installait dans ma réalité ? » De cette entrevue magnétique, il est conquis pour la vie. Les adresses vont intituler les chapitres du livre (45, rue Poliveau et Jambier, associés par la gouaille de Gabin, 45, rue de Courcelles quand Modiano salue Proust, 9, rue d’Antin où s’épanche Alphonsine Plessis, amante d’Alexandre Dumas, devenue héroïne de la Dame aux camélias, etc.). La déambulation proposée dans la marge des romans et « l’entre-deux des phrases », assemble et entremêle les fils d’une fiction prégnante et d’une réalité fuyante. Dans sa traque de l’adresse, l’auteur va jusqu’à reprendre le circuit de Luc, personnage du Vent noir de Paul Gadenne, et questionner les habitants mais si les descriptions du quartier sont justes dans la fiction, le lieu se dérobe dans la réalité. L’imaginaire littéraire dessine une géographie parallèle calquée sur un quotidien poreux qui infuse et d’où il est délicat de savoir qui colore le plus l’autre. Quand le narrateur sillonne enfin les coulisses de son écriture, évoquant la rue Dobropol où se rejoignent son grand-père et Louis Manékine personnage de Faire le mort, puis revenant au 67, rue Charles-Laffitte, dans l’appartement vide de ses parents défunts, l’émotion embrase le fétu des mots et allume brièvement le timbre des « voix chères qui se sont tues ».
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