La cache n'est pas un livre d'abord facile et j'imagine que cela est un choix délibéré de la part de l'auteur. Il nous parle de sa famille "les Bolt", dont le plasticien Christian Boltanski, oncle de l'auteur, est l'une des figures célèbres, et de la maison Rue-de-Grenelle, à Paris, où elle a vécue, et s'il nous donne au début de chaque nouveau chapitre le plan des pièces de l'appartement dont il sera question, il se garde bien de nous donner un arbre généalogique de cette famille, ce qui aurait surement facilité la lecture des cent premières pages du roman mais qui, probablement, aurait privé le lecteur du mérite de la ténacité et de la découverte. Par ailleurs, on comprendra au fil de la lecture que cette famille est construite sur le secret, la dissimulation, la paranoïa même, et fournir un arbre généalogique qui pourrait tomber dans des mains mal intentionnées n'est pas du tout le genre de la maison.
Le lecteur patient apprendra donc au fil des pages à connaître les membres de cette famille, à commencer par cet ancêtre, l'arrière-grand-père de l'auteur, qui, au début du XXe siècle, a fui les pogroms d'Odessa pour s'installer à Paris. Les aller-retours que fait l'auteur entre les différentes époques (y compris le temps présent) sont au début plutôt déconcertants mais au final, ce sont eux qui donnent à cette anti-chronique tout son sel, montrant comment les vies des uns se reflètent dans celle des autres. Renâclant dans les premiers chapitres, j'ai peu à peu été happé par cette histoire et ce lieu, et j'ai fini par adorer et le style et la matière du livre. La comparaison avec le roman de Daniel Mendelsohn "Les disparus" m'était venue assez vite au détriment du livre de Boltanski mais lorsque, vers la fin du livre, l'auteur parle lui-même de ce livre, je n'avais plus la même impression. Les deux livres ne peuvent pas être mis en compétition car les projets sont très différents; toutefois, en terme de force, d'émotion, d'inventivité dans la forme, le livre de Boltanski fait très bonne figure à côté du chef d’œuvre de Daniel Mendelsohn. A travers le récit de sa famille, Christophe Boltanski, comme Daniel Mendelsohn, a réussi à utiliser le particulier pour atteindre l'universel.
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