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[La question migratoire au XXIe siècle | Catherine Wihto...]
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Posté: Sam 07 Jan 2017 20:38
MessageSujet du message: [La question migratoire au XXIe siècle | Catherine Wihto...]
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[La question migratoire au XXIe siècle | Catherine Wihtol de Wenden]

Longtemps, la discipline des relations internationales a été dominée par les doctrines réalistes et néoréalistes qui, sous l'influence du droit international et d'une longue tradition historiographique, ne reconnaissaient que les États (et éventuellement les organisations internationales) comme uniques sujets ou acteurs politiques. Depuis la fin de la bipolarité, certains politologues – par ex., en France, Bertrand Badie – ont commencé a mettre en doute la primauté du « concert des nations » dans l'analyse politique internationale, en leur adjoignant ou remplaçant des acteurs transnationaux, publics ou privés, ou infranationaux, jusqu'à l'individu : ce livre a pour objet d'étudier comment le phénomène migratoire, tout en « introdui[san]t une anomie dans l'espace étatique et international », ainsi qu'un élément paradoxal à l'intérieur du libéralisme, dans la mondialisation tout entière, questionne les principales fonctions régaliennes (la souveraineté, la citoyenneté), comment il met à mal leur symbole, les frontières, enfin comment surgit une « diplomatie des migrations internationales », bi- ou multilatérale et fondée sur une tripartition d'intérêts éventuellement non contradictoires : entre pays (régions) d'accueil, pays de départ et migrants.
Dans le premier chapitre, les migrations internationales sont caractérisées comme un enjeu mondial : inscrites dans une globalisation contradictoire, non seulement elles revêtent un aspect bien plus général et complexe que ne le montre notre perspective habituelle, mais elles nous somment de modifier les catégories des migrants, elles impliquent la question du développement économique et humain à l'échelle mondiale lié au transfert de fonds, les problématiques démographiques des deux rives, l'exportation du chômage et des revendications démocratiques, les conséquences des bouleversements climatiques.
Face à la régionalisation des flux, l’État est menacé dans ses frontières, ses politiques s'avèrent dérisoires et antinomiques avec ses propres valeurs, tout d'abord celles des droits humains, contradictoires aussi avec l'économie de marché, les deux réclamant un droit à la mobilité qui commence à poindre timidement en droit international. Dans les pays d'accueil la démocratie devient prétexte ou instrumentalisation de la répression de la migration, tandis que dans les pays de départ celle-ci se transforme progressivement en instrument de pression ou d'ingérence diplomatiques (le roi du Maroc s'exprimant à la télévision française sur le port du voile à l'école dès 1989, politiques diasporiques, double nationalité, chantages dans les accords de réadmission des déboutés, etc.). L'échelle de l'Union européenne – Schengen, Dublin I, Dublin II – fondée sur le dénominateur commun du tout sécuritaire-répressif brille pour son inadéquation [mortifère, criminelle].
Les migrations rendent le concept de citoyenneté « évolutif », pour les migrants dont la « double absence » d'Abdelmalek Sayad s'est transformée en son inverse, pour les réfugiés, les apatrides, les double-nationaux, mais aussi dans toutes les sociétés hier encore multiculturelles et aujourd'hui traversées déjà par des « citoyennetés transnationales », avec leur propres valeurs.
L'émergence d'une « diplomatie des migrations internationales » (et non des « relations internationales » - coquille évidente qui se répète sur 60 p.) tient compte de la gouvernance mondiale onusienne, depuis l'analyse méritoire de Kofi Annan, jusqu'au « Forum mondial sur la migration et le développement » (Bruxelles, Manille, Athènes, etc.), depuis 2007 ; elle n'oublie pas les influences de la société civile et des ONG ; elle reprend la coopération régionale, les politiques diasporiques, les limites des accords bilatéraux.

Cet essai très pédagogique et apportant des lumières originales, autant dans la discipline que dans l'analyse de l'actualité, ne possède cependant pas la structuration ni l'exhaustivité d'un traité. Certaines redites auraient été évitables, certaines idées auraient gagné à être étoffées davantage, les références et la bibliographie sont intéressantes, la conclusion résume opportunément sans suggérer « d'ouverture », le style présente des lourdeurs.

Cit. :
« La mobilité menace l’État-nation, même s'il résiste fortement. Le nomadisme et la circulation migratoire deviennent les figures de l'hypermodernité, les phénomènes migratoires se diversifient […] les identités se transforment, la notion d'intégration entre en crise, des termes comme le multiculturalisme, les discriminations positives ou le codéveloppement vieillissent, laissant la place au cosmopolitisme, au transnationalisme, aux politiques diasporiques des États de départ et à la gouvernance multilatérale. L'impact de la crise de 2008 invite aussi à revoir certaines analyses, tandis qu'émergent, à l'échelle mondiale, le droit à migrer et une demande diffuse de démocratisation du droit à la mobilité. » (p. 21)

« L'européanisation des politiques migratoires, amorcée lors des accords de Schengen, a eu pour effet de renforcer les dispositifs sécuritaires qui coexistent, depuis les années 2000, avec le souci [principalement de l'Allemagne et de la Grande Bretagne] d'attirer les élites, dans un contexte de compétition mondiale pour la recherche des compétences et des talents […] L'Europe cherche à la fois à maintenir ses frontières fermées aux uns et à les entrouvrir aux autres, un exercice difficile sous le contrôle d'une opinion publique utilisée comme arbitre du maintien des mesures répressives. » (p. 49)

« Le thème de la sécurité est devenu très présent dans les politiques européennes d'immigration dès les début des années 1990. Les événements du 11 septembre 2001, le terrorisme et les violences urbaines […] ont donné une légitimité accrue au lien entre l'immigration et la sécurité, construisant une continuité entre l'immigration, le terrorisme international, la violence urbaine, et justifiant le renforcement du contrôle des frontières et la vigilance quotidienne à l'égard des étrangers et des populations dites « visibles », donc suspectes. Bien que peu de terroristes aient été directement liés à l'immigration, […] les amalgames dans l'opinion publique entre immigration, islam, délinquance, illégalité du séjour et terrorisme ont souvent été largement répandus. » (p. 62)

« La citoyenneté est un concept évolutif, qui a beaucoup changé au cours de ces trente dernières années, sous l'influence de l'immigration et de l'Europe. De nouvelles valeurs fondées sur la socialisation dans l'espace local, la participation, le droit du sol refondent sa légitimité, tandis que son contenu évolue, s'enrichissant de valeurs nouvelles telles que […] le pluralisme culturel, la lutte contre les discriminations et le multiculturalisme. […] Quelle citoyenneté pour les populations mobiles, installées dans la mobilité comme mode de vie ou la double présence ici et là-bas ? La citoyenneté transnationale peut-elle aller au-delà de l’État-nation, préfigurant un État postnational à ses marges ? » (p. 132-133)

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