Quatre leçons tirées du Tchouang-tseu ont été données au Collège de France en 2000 par Jean-François Billeter (né en 1939), sinologue helvète et professeur de la chaire d’études chinoises à l’université de Genève. Editées en 2002, elles sont à nouveau imprimées en 2015 aux éditions Allia. Superbe petit livre blanc conçu et fabriqué avec soin, les « Leçons sur Tchouang-tseu » revisitent quelques parties retraduites par le sinologue suisse. La pensée du « philosophe » chinois du IVe siècle avant J.-C. s’est empêtrée au cours des siècles dans les gloses, les réécritures, les traductions fautives. Libérée du pensum des lettrés par Jean-François Billeter, elle virevolte tel un papillon scintillant sur les arabesques du temps et révèle une vision éblouissante du monde. La première leçon donnée le 13/10/2000 intitulée « Le fonctionnement des choses » vise l’« intelligence du texte » c’est-à-dire le sens voulu par l’auteur à son époque. Dans l’exercice complexe de la traduction, la composition, le tempo, la tonalité éclaire la signification du texte. Toutefois, l’approche nouvelle et opératoire du sinologue suisse réside dans la prise en compte d’une pensée pragmatique. Tchouang-tseu réfléchit par rapport à une expérience du monde décrite précisément. Les extraits de dialogues traduits deviennent alors particulièrement éclairants. Suivront les leçons « Les régimes de l’activité » ; « Une apologie de la confusion » ; « Un paradigme de la subjectivité ». Jean-François Billeter n’imagine pas Tchouang-tseu comme un philosophe enfermé dans un système abstrait mais tel un penseur « à la polyphonie toujours renouvelée » : « la complexité n’est pas dans les éléments mais résulte de leur combinaison ». Lavée à la belle eau de l’intelligence, la pensée d’un auteur vieux de vingt-cinq siècles luit, intacte, évidente, opératoire, ouvrant des perspectives neuves, dessinant d’un geste ailé un vide vivifiant en soi.
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