Le Val d’Aoste, axe militaro-commercial stratégique au cœur des Alpes entre la France, l’Italie et la Suisse, donne accès à des montagnes exceptionnelles tel le mont Blanc, les massifs du Grand Paradis, du Grand-Combin ou du mont Rose et plus au nord à l’emblématique Cervin. Paolo Cognetti, écrivain milanais âgé aujourd’hui de trente-sept ans aime se retrouver dans ces montagnes depuis les vacances estivales de son enfance jusqu’à ses trente ans où, en perte de repère et en panne d’inspiration, il a loué un chalet alpestre (une baita) afin de s’immerger dans la nature : « à deux mille mètres d’altitude, là où les dernières forêts de conifères cèdent la place aux hauts pâturages ». Afin d’en préserver la quiétude, l’auteur prend soin de gommer la toponymie de sa montagne qui se situe aux confins des grands tracés pédestres et ne reçoit en conséquence aux beaux jours que quelques randonneurs en traversée. Durant l’année 2008, du printemps à l’automne, Paolo Cognetti redevient attentif à la vie et s’ouvre aux rares et riches rencontres d’abord avec Remigio, propriétaire du chalet, restaurateur de vieilles maisons, homme solitaire amoureux des mots puis vient Gabriele, berger sans attache et enfin les deux gardiens d’un refuge, Andrea et Davide. L’auteur se voyait ermite, cultivant son jardin potager, lisant, écrivant, explorant les alentours en détail selon une recommandation d’Elisée Reclus, le géographe anarchiste, faite un siècle plus tôt : « Pour saisir dans son ensemble l’architecture de la montagne, il faut l’étudier, la parcourir dans tous les sens, en gravir chaque saillie, pénétrer dans la moindre gorge. Comme toute chose, c’est un infini pour celui qui veut la connaître en son entier ». L’envie devient vite irrésistible d’aller voir au-delà de la montagne et d’arpenter de nouveaux versants.
Le journal de montagne tenu par un garçon civilisé s’ensauvageant si peu est particulièrement agréable car l’écriture est limpide et déliée, agrémentée de citations bien insérée dans le texte montrant à l’envi une lecture approfondie et amoureuse d’auteurs précieux à l’exemple de Mario Rigoni Stern, de Primo Levi, d’Henry David Thoreau ou de la poétesse Antonia Pozzi citée en exergue. Paolo Cognetti prend congé du lecteur avec soin dans un ultime chapitre intitulé « Dernier verre ». Il remet le chalet en ordre puis glisse des bouts de papier dans les fentes et les fissures afin que les mots perdurent au-delà de la vie.
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