Côté face : c'est un livre qui fait l'éloge des livres et recense tous les bienfaits qu'ils peuvent procurer aux lecteurs, avec pour preuve ce qu'en disent des dizaines d'auteurs (dont on peut penser qu'ils sont en la matière à la fois juge et partie...) parmi les plus célèbres : Montesquieu, Hugo, Freud, Gide, Proust, Malraux, Kundera, Kertesz, Huston... Moi pour qui la lecture est une passion dévorante, je ne peux qu'applaudir des deux mains, métaphoriquement bien sûr, sinon mon livre risquerait bien de tomber.
Côté pile : j'ai trouvé ce livre trop sage, trop scolaire, trop "recueil de citations". Les arguments sont ici bien ordonnés comme les étapes d'une recette de cuisine, le plat est saupoudré, abondamment, des références indispensables. Mais il y manque de la fougue, de l'audace, de l'invention. Dans les premières pages du livre, Régine Detambel persifle "les publications à l'eau de mélisse" mais j'ai bien peur que l'on puisse y ranger son propre livre. Quelques pages plus loin, elle s'interroge : "Est-ce vraiment au médecin de nous expliquer l'art et la manière de nous servir des livres ? Est-ce qu'on peut penser que quelqu'un maîtrisera un jour l'effet d'un livre sur le lecteur ? Doit-on ignorer que tout principe actif est à la fois remède et poison et qu'un livre peut blesser effroyablement ?". Ce questionnement laisse présager une suite puissamment dialectique. Hélas, l'afffrontement tourne court et laisse rapidement place à un plaidoyer pro domo en faveur d'une bibliothérapie dont la définition nous est donnée presqu'à la fin du livre : "Le patient est malade. Il a un médecin pour le traiter. Mais de plus il est malade d'être malade. C'est là que le bibliothérapeute intervient. Si le patient est malade, le bibliothérapeute n'y peut rien. Il n'intervient que pour empêcher le patient d'être malade d'être malade. C'est quand on est malade d'être malade qu'on sombre dans la dépression. Ici le bibliothérapeuthe pourra apporter du sens." Doit-on ici parler de simplification outrancière ou bien d'une inquiétante naïveté de la part de l'auteur ?
Côté tranche : lorsque Régine Detambel accepte, le temps d'un paragraphe ou deux, de laisser de côté ses références et ses citations, on aperçoit enfin l'auteur qui aurait pu donner du souffle à ce livre. Ainsi, lorsqu'elle nous raconte l'écriture de son premier texte de fiction, où, prenant un récit de Bob Morane, elle entreprend d'en remplacer chaque mot par un synonyme, persuadée qu'elle crée ainsi une oeuvre personnelle. Cette histoire est magnifiquement racontée. Serait-ce là (paradoxalement) le seul passage véritablement authentique de ce livre ?
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