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[Libre, seul et assoupi | Romain Monnery]
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Posté: Dim 29 Nov 2015 18:25
MessageSujet du message: [Libre, seul et assoupi | Romain Monnery]
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[Lecture suggérée par Septentria, que je remercie et dont la note de lecture ci-dessous (qui m'avait déjà suscité une question) fera l'objet d'allusions]

Voici la première illustration romanesque (à ma connaissance) de la théorie de la démotivation. Mine de rien.
Ce qui peut paraître ironique voire caricatural dans la description du comportement et des pensées du personnage principal, narrateur à la première personne, n'est qu'humour, en parfaite adéquation avec le style, et c'est une première clef pour déceler le positionnement (politique et sociologique) de l'auteur qui, sous couvert (un voile, à peine) de neutralité, ne perd aucune occasion de nous rendre le protagoniste sympathique. Ce style est d'ailleurs en harmonie avec celui du fameux "Manifeste des chômeurs heureux" (1996) [http://cqfd-journal.org/Le-manifeste-des-chomeurs-heureux[/url]] dont j'ai déjà eu l'occasion de parler.

Deuxième recours : la mise en perspective de Machin par rapport aux personnages secondaires, en particulier Bruno et Stéphanie, deux co-locs, qui représentent chacun une figure stéréotypée des "perdants" du marché du travail, cependant non adeptes de la démotivation. Bruno est perdant car il se dévalorise, c'est la figure du travailleur par résignation ; Stéphanie est la pure victime des appâts du show-biz, ses tentatives de se poser en manipulatrice échouent lamentablement. Machin, qui au passage "rate son stage" pour avoir refusé de se faire sodomiser (excusez-moi si ce symbole n'est pas assez éloquent pour révéler le "cautionnement" de l'auteur...) renonce-t-il in extremis à la paresse par acceptation du "principe de réalité", comme le feraient croire les deux ou trois dizaines de pages avant la fin ? Pas sûr. Mais le coup de maître de la chute, c'est d'avoir rendu la question de son acceptation ou refus de la vie professionnelle, de son adhésion à ou refus d'un succès presque trop facile pour être véridique, une simple affaire de hasard, de pile ou face. En seconde et ultime lecture donc, qu'il acquiesce ou non, ce sera sans conviction... démotivé. D'ailleurs il en est de même pour l'amour : une vision fugitive, un chimère, un coup de dés... puis disparu ! Et pour l'argent.
A propos duquel voici un aphorisme très situationniste, un clin d’œil (une citation ? Peut-être) de Vaneigem :

"Il y avait l'argent, bien sûr, mais je savais que ça n'était pas une raison. C'était un manque, un besoin, un prétexte, mais pas une raison." (p. 240)

Un roman essentiel, profond et très subtil, bien plus qu'il n'y paraît. Mine de rien.

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