Pot pourri et fêlé.
La revue Ferraille avait fini par rouiller en 2006 dans le bric-à-brac des mémoires bringuebalantes après 27 numéros de bédé underground parfois lardée de pièces d’orfèvre. Son avatar « Franky et Nicole » refourgue en vrac en 2014 un matos qui n’a pas pris une ride mais qui a déjà servi. Alléché par la parution d’inédits, le lecteur aux souvenirs ajourés peut se sentir frustré en revisitant le grenier aux antiquités. Pourtant, la déception est de courte durée car le Winshluss et Katou de l’époque (2002) est un cru exceptionnel. Intitulé « Les hommes préfèrent les blonds », le récit noir & blanc en neuf planches est au-delà de la parodie grinçante inspirée de la comédie musicale de Hawks dont elle ne détourne que le titre. L’histoire fustige le mythe du surhomme nazi au moment où Berlin sombre sous les assauts de l’armée rouge. Deux officiers SS bien trempé, Hanz et Helmut, maintenant acculés, bien loin de leur superbe, décident de se travestir en femmes pour franchir les lignes ennemies avec dans leurs valises le trésor du Reich en lingots d’or. Ils devront payer en nature les passages épineux, qu’ils soient bolchéviques ou américains. Chaque case est une mise à nu et une foirade assurée, jouant avec des clichés éculés pour mieux dynamiter leur charge émotionnelle. Tout acte humain est le résultat vacillant d’une pensée biaisée, penchant d’un côté ou de l’autre de la balance selon les circonstances. Face au chaos ambiant, seule la légèreté permet d’avancer sur le fil de la vie. Les deux strips suivants d’Aude Picault sont des friandises goûteuses. Les vingt-quatre autres récits complets ou à suivre du recueil n’atteignent pas un tel niveau. Teddy Beat, de Morgan Navarro, flirte avec les troubles émotionnels et sexuels de l’adolescence. Teddy, ado à tête d’ours bleu au regard enfantin a des élans charnels bien incarnés. « Maman d’amour » paru dans le fanzine autoédité « Vermines magazine » scénarisé par Marc Pichelin et dessiné par Guillaume Guerse a des relents délétères de nécrophilie. « Wrist Widow » d’Olivier Texier narre un combat de catch mixte où tous les coups bas sont de la partie. Navigant entre le graveleux et la loufoquerie potache, l’histoire au dessin approximatif surprend par son absence de propos. « La leçon » de Baptiste Virot, en trois planches, est désaxée et troublante. Une rupture conjugale entraîne des réactions démentes et grotesques. Dommage qu’ « Etranges histoires & autres histoires » ne durent que sur deux pages. Les strips de Sébastien Lumineau sont de vraies réussites. Dans la même veine, les « Faits divers » de Matthieu Chiara sont corsés, prenants, étonnants. Enfin, le récit inachevé d’Antoine Maillard intrigue et laisse espérer une suite.
Il y aura donc à boire et à manger dans l’épais volume sans queue ni tête où l’absence de pagination, de titre et de mention d’auteur ajoute à l’incohérence et au désordre de l’ensemble. « Franky et Nicole » permet toutefois d’accéder à des productions marginales parfois d’un grand intérêt.

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