[Les décrets et canons tovchant le mariage ... iceux feront vaquans de droict | Gabriel du Preau (traduict de latin en françoys par)]
Les décrets et canons tovchant le mariage pvbliez en la huictiefme Sefsion du Cõcile de Trente:fouz noftre fainct pere le Pape Pie quatriefme de ce nõ,l'vuziefme iour de Nouembre,1563. Item qu'vu chafcvu n'aura dorefnauant plus qu'vu benefice,& que ceux qui de prefent en ont plufieurs,n'en difpofent,& ne f'en deffont dedans fix moys prochainement venans,iceux feront vaquans de droict. Le tout traduict de latin en françoys par Gabriel du Preau. A Paris chez Nicolas Roffet , en la rue neuue nostre Dame,à l'enfeigne du Faucheur 1564 Avec privilege dv Roy,
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5427855d.r=Concile+de+Trente.langFR
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Je lisais récemment une thèse de Justine Ancelin relative à l'astronome Jean-Dominique Cassini (je prépare une note de lecture sur cette thèse), dans laquelle j'ai trouvé l'affirmation suivante : « Comme le rappellent Scarlett Beauvalet et Vincent Gourdon, aucune règle n'encadre le choix des témoins de mariage en ce qui concerne les contrats passés devant notaire, à la différence de ce qui a été stipulé par le Concile de Trente à propos du mariage religieux. » Je m'imagine que pour un historien de formation, spécialisé dans la période des Temps modernes, les règles stipulées par le Concile de Trente font partie de sa culture générale historique, ce qui n'est pas le cas pour le simple amateur d'histoire que je suis. Comme j'occupe mon temps libre à des recherches qui concernent essentiellement le XVIIIe siècle, il m'a semblé utile de m'informer de ces règles. Petite recherche sur Gallica, téléchargement de quelques titres ; pour sa brièveté, et parce qu'il mentionnait expressément les décrets et canons touchant le mariage, j'ai choisi cet ouvrage.
Les canons, au nombre de douze, se présentent tous sous la forme : « Si quelqu'un dit … , qu'il soit retranché ». Sa brièveté me permet de donner le canon second comme exemple : « Si quelcun dit eftre permis aux Chreftiẽs d'auoir enfemble plufieurs femmes, & que cela ne leur eft prohibé ne defendu par aucune loy diuine : qu'il foit retranché. »
Les décrets, eux, sont à la fois plus longs et d'une construction plus variée car ils comprennent des développements explicatifs concernant les problèmes qu'ils sont censés résoudre. Le premier décret répond au souci de combattre les mariages « occultes et clandestins » qui peuvent entraîner de « gros pechez », certains contractant ensuite un second mariage, public cette fois. Aussi, « en enfuyuant les veftiges & traces du facré Concile de Latran », le Concile de Trente « veult & commande » que le mariage soit préalablement annoncé lors de la messe, « par le propre Curé des contractans, par trois iours de fefte confécutifs ». Mais au cas où il y aurait « fufpition probable,que le mariage peuft eftre malicieufement empefché » il ramène alors à une seule l'annonce obligatoire, ou prescrit que le mariage « fe celebre en prefence pour le moins de deux ou de trois tefmoings ». Les deux annonces omises seront alors faites après la célébration (mais avant la consommation) du mariage, à moins que « l'ordinaire [l'évêque] trouvaft plus expedient que ces fufdites dénonciations [c'est le terme utilisé à cette époque] fuffent remifes ».
Cette exigence de la présence « pour le moins de deux ou de trois tefmoings » est bien la seule règle que j'aie trouvée dans cet ouvrage à propos des témoins. Je n'aurais donc pas choisi l'expression « règles encadrant le choix des témoins de mariage » pour y faire allusion. Le concile « veult et ordõne » encore que la bénédiction « se face par le propre curé des contractans » (ou sinon avec son « congé & permifsion »). Justine Ancelin indique, à propos du mariage de Jacques Cassini (Cassini II) : « La coutume qui veut que la cérémonie ait lieu dans la paroisse de la mariée plutôt que dans celle du marié est donc respectée par les deux familles … », coutume utile à connaître si l'on cherche un acte de mariage.
« Que le Curé ait uv liure, auquel il efcriue la demeurance & manoir tant des mariez, que des temoings, & le iour & lieu où le mariage aura efté contracté, lequel il garde diligemment chez foy. » Une rapide recherche sur Internet m'a permis de constater qu'en effet, contrairement à ce que je croyais, l'ordonnance de Villers-Cotterêts de François Ier imposait seulement la tenue d'un registre des baptêmes, et que l'obligation de la tenue d'un registre des sépultures et celle de la tenue d'un registre des mariages ne sont intervenues que plus tard.
Par le décret second, le concile s'efforce d'éviter la contractation de mariages prohibés, qu'il estime dûe au trop grand nombre des « prohibitions & defenses ». Il « veult & ordonne » donc « qu'vu feulement, ou foit homme ou foit femme … ou au plus, vu homme & vne femme reçoiuent l'enfant du baptefme & qu'entre iceux et le baptizé & entre fon pere & mere … foit feulement contractée cognation [parenté]& affinité fpirituelle » (laquelle « cognation et affinité spirituelle » constitue un empêchement au mariage). Je n'ai pas pu déterminer ce que le décret troisième désigne comme « empefchement d'honnefteté de la iuftice publique » que j'avais cru être ce qui est désigné au décret quatrième comme « l'affinité contractée de fornication », laquelle j'ai comprise ainsi : l'union charnelle illégitime d'un homme et d'une femme entraîne les mêmes conséquence qu'une union légitime, interdisant à la femme d'épouser les frères ou le père ou les fils de son partenaire, à l'homme d'épouser les sœurs ou la mère ou les filles de sa partenaire.
Le décret cinquième limite la possibilité de dispense des interdictions liées à la parenté biologique. Le décret sixième limite la possibilité d'un mariage qui résulterait de l'enlèvement de la future épouse au seul cas où elle accepterait le mariage après avoir été rendue à sa famille. Il donne pouvoir au juge de contraindre le ravisseur à doter la femme enlevée, même s'il ne l'épouse pas. Le décret septième recommande la plus grande prudence aux curés avant de procéder au mariage des « vagabons qui errent ça & la, & qui n'ont retraicte ne demeurance aucune » afin d'éviter qu'ils n'en contractent « plufieurs en diuers lieux ». Le décret huitième condamne le fait « que les hõmes non mariez ayent des concubines », ou pire encore « que gens mariez viuent aufsi en ceft eftat de damnation, & qu'ilz ofent à quelque fois les [les concubines] nourrir & entretenir, mefmes en leurs maifons avec leurs femmes efpoufes ». Le décret neuvième interdit, sous peine d'excommunication, aux « feigneurs temporels & magiftrats » de forcer le libre consentement de qui que ce soit en matière de mariage. Le décret dixième, enfin, rappelle les périodes de l'année pendant lesquelles un mariage ne peut être célébré.
Viennent ensuite un certain nombre de « chapitres » consacrés à la « Reformation » décidée en cette même session du Concile. Le premier d'entre eux expose les dispositions à prendre afin que « ceux qui doiuent eftre promeuz aux Eglifes cathedrales & fuperieures » soient « bons pafteurs & ydoines au gouuernement de l'Eglife ». Le second règle la participation aux conciles provinciaux et aux synodes diocésains. Le troisième est consacré aux dispositions relatives aux visites que doivent faire les responsables de tous niveaux, du métropolitain au simple doyen. Le quatrième traite de la prédication, et prescrit « que les enfans, à tout le moins les dimãches, & autres iours de fefte, foyent diligemmẽt enfeignez, en vne chacune paroiffe, par ceux à qui il appartiendra, es rudimens de la foy, & obeiffance qu'ils doiuent à Dieu, & à leurs peres & meres ».
Le chapitre cinq indique de quelles juridictions écclésiastiques relèvent les fautes pouvant être imputées à des évêques. Le chapitre six est consacré au droit d'absolution des évêques envers leurs sujets, dans leur diocèse. Je ne sais si cela avait été prescrit par d'autres conciles auparavant, le chapitre sept évoque l'usage de la langue « maternelle », « vulgaire », « commune », pour expliquer les sacrements au « peuple fidelle » et traduire le catéchisme. Le chapitre huit se rapporte à la pénitence. Le chapitre neuf prescrit la visite, par l'évêque de la plus proche cathédrale, des « eglifes seculieres, qui font dites n'eftre de nul diocefe ». Le chapitre dix affirme la « iuridifction & puissance » des évêques « en ce qui concerne la vifitation & correction des meurs de leurs fubiects ». On reste dans le même domaine avec un chapitre onze qui affirme que « les tiltres honorables de Prothonotariat, d'Accollutat … ou aultres femblables marques » ne soustraient pas (en général) leurs titulaires à la juridiction de l'évêque.
Le chapitre douze s'attache vraisemblablement à combattre des abus en prescrivant divers devoirs aux titulaires de bénéfices, prébendes et dignités ecclésiastiques, et en mettant diverses conditions pour y accéder. Le chapitre treize prescrit les réorganisations nécessaires afin que toute église puisse subvenir aux besoins de son curé, et qu'il n'y ait pas de population sans curé attitré. Le chapitre quatorze prescrit à l'évêque de réformer tout usage ou coutume qui pourrait être entaché de « symonie ». Le chapitre quinze envisage des réorganisations de bénéfices ou des suppressions de prébendes pour les églises cathédrales et collégiales dont les moyens seraient insuffisants. Le chapitre seize envisage les mesures nécessaires à une bonne gestion pendant la vacance d'un siège épiscopal. Le chapitre dix-sept prescrit, dans un délai de six mois, que dorénavant chacun ne puisse détenir qu'un seul bénéfice ecclésiastique.
Le chapitre dix-huit institue des examinateurs qui devront rendre un rapport avant le choix du titulaire d'une église paroissiale. Le chapitre dix-neuf affirme la suppression des grâces expectatives (l'attribution par avance par le pape d'un bénéfice). Le chapitre vingt expose diverses dispositions juridiques relatives aux jugements (écclésiastiques) de première instance ou d'appel. Enfin un dernier décret annonce l'époque de la tenue de la prochaine session du concile de Trente et son ordre du jour.
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